À l’occasion de la Fête du Travail, l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté (ATEC), en partenariat avec ONU Femmes Maroc, dévoile une campagne inédite pour mettre en lumière un pilier fondamental mais ignoré de la société : le travail domestique non rémunéré réalisé par des millions de femmes marocaines.
Sous la bannière « Ch9a Dare Machi 7ogra », cette mobilisation ambitieuse entend briser le silence entourant les tâches quotidiennes essentielles assurées par les femmes – cuisine, ménage, garde d’enfants, soins aux personnes âgées, gestion du foyer, soutien scolaire, etc. Ces activités, bien qu’indispensables à l’équilibre familial et économique du pays, restent sans statut, sans rémunération, sans reconnaissance sociale.
En guise de manifeste, ATEC introduit une « fiche de poste » symbolique, imprimée sur un tablier conçu pour matérialiser la charge invisible supportée par les femmes dans les foyers. Ce vêtement, transformé en outil de plaidoyer, énumère des rôles souvent tenus pour acquis : cuisinière, intendante, infirmière, éducatrice, planificatrice, et plus encore. Il sera porté le 1er mai dans les rues de Casablanca, notamment lors d’une marche organisée en partenariat avec la Confédération démocratique du travail (CDT), afin d’interpeller l’opinion publique et les décideurs.
Les chiffres publiés par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) sont édifiants : 90 % du temps dédié aux tâches ménagères incombe aux femmes marocaines, qui y consacrent en moyenne cinq heures par jour contre seulement 43 minutes pour les hommes. Ce déséquilibre structurel agit comme un frein à l’égalité des chances, influant sur l’insertion professionnelle et l’autonomie des femmes.
Portée jusqu’en septembre 2026, la campagne vise une réduction concrète du temps de travail domestique féminin d’au moins une heure par jour dans les foyers ciblés. Pour ce faire, ATEC mise sur une approche participative et intergénérationnelle : campagnes digitales, créations artistiques (podcasts, vidéos, courts-métrages), théâtre itinérant, affichage urbain, événements sportifs, mais aussi accompagnement terrain des familles grâce à une application mobile inédite capable de quantifier la charge domestique.
Ce projet s’inscrit dans le programme régional « Dare to Care » d’ONU Femmes, soutenu par l’Agence suédoise de coopération internationale (Sida), qui encourage la transformation des normes patriarcales à travers une implication active des hommes et des garçons dans la répartition équitable des responsabilités domestiques et des soins.
Pour Bouchra Abdou, directrice de l’ATEC, il s’agit d’un véritable tournant : « En rendant visible le travail invisible, nous déconstruisons les stéréotypes et posons les bases d’un nouveau contrat social au sein des foyers. »
Au-delà de la sensibilisation, cette campagne ouvre la voie à un changement culturel et structurel. L’objectif est clair : ne plus considérer les tâches ménagères comme une aide ou un devoir féminin, mais comme une responsabilité partagée, essentielle à la justice sociale et à l’égalité entre les genres.