Le ministère de la Justice s’apprête à lancer une réforme décisive concernant les chèques sans provision, marquant un tournant dans la gestion des contentieux financiers au Maroc. Portée par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, cette révision législative entend alléger les tribunaux marocains en requalifiant certaines infractions pénales en litiges civils, tout en instaurant des mesures alternatives à la détention.
L’un des changements les plus significatifs concerne la fin des poursuites judiciaires dès que le montant du chèque impayé est réglé, accompagné d’une amende de 1 à 5 % versée à l’État. Cette mesure s’appliquera quel que soit le statut de l’émetteur — en détention, recherché ou en fuite. Ce dispositif met fin à la logique punitive automatique jusque-là en vigueur et privilégie la réparation économique, dans une optique de justice plus équitable.
Autre point central de cette réforme : les chèques émis entre conjoints ne seront plus considérés comme des infractions pénales. Ces différends relèveront désormais du droit civil, une manière d’éviter l’instrumentalisation du droit pénal dans les conflits familiaux et de recentrer les juridictions pénales sur les délits avérés.
Le projet introduit également une innovation notable : le port du bracelet électronique en guise de sursis. Lorsqu’un émetteur de chèque impayé est dans l’incapacité immédiate de payer, il bénéficiera d’un délai de grâce d’un mois sous surveillance électronique pour régulariser sa situation. Ce sursis pourra être prolongé d’un mois si la partie plaignante y consent. Cette mesure vise à éviter les incarcérations automatiques pour des débiteurs de bonne foi, tout en garantissant les droits des créanciers.
La question du seuil financier à partir duquel une action pénale resterait envisageable reste en suspens. Les débats oscillent entre un minimum de 5.000 dirhams et un plafond de 20.000 dirhams. Le montant final, encore en discussion avec Bank Al-Maghrib, déterminera la portée effective de la dépénalisation et la distinction entre les cas graves et les incidents mineurs.
Cette réforme, qui s’inspire des standards internationaux, vise à moderniser le système judiciaire marocain. En mettant fin à des pratiques jugées archaïques et en alignant la législation nationale sur les normes en vigueur dans plusieurs pays, le Maroc ambitionne de renforcer la sécurité juridique et d’encourager l’usage raisonné du chèque comme moyen de paiement.