Le Maroc a instauré une réforme majeure en matière de reconnaissance académique : l’équivalence désormais automatique des diplômes délivrés par les universités publiques françaises. Publiée au Bulletin Officiel n°7392, cette mesure permet aux titulaires de licences, masters et doctorats français d’intégrer immédiatement le marché de l’emploi marocain, sans passer par les lourdes procédures administratives autrefois exigées. Ce changement représente une avancée significative pour les 45.162 étudiants marocains inscrits en France en 2022-2023, mais creuse davantage l’écart avec les autres pays africains, encore soumis à des démarches longues, coûteuses et souvent imprévisibles.
Jusqu’alors, les diplômés marocains de France devaient déposer un dossier complet, faire traduire leurs documents par un traducteur assermenté (coût moyen de 250 dirhams par page), puis attendre l’examen de leur cas par une commission spécialisée. Un processus pouvant prendre jusqu’à six mois et compromettant sérieusement leur insertion professionnelle. Avec l’automatisation, cette équivalence est immédiate, couvrant une large gamme de disciplines allant des sciences juridiques aux filières scientifiques, renforçant la compétitivité des diplômés sur le marché local.
En comparaison, les ressortissants d’autres pays africains, bien qu’également formés dans les universités publiques françaises, restent confrontés à des procédures nationales lentes et fragmentées. L’Algérie exige par exemple une démarche en ligne via le MESRS, avec authentifications consulaires obligatoires. Le Sénégal impose le passage par la CRCE sans aucun automatisme. En Côte d’Ivoire, les frais de dossier s’élèvent jusqu’à 15,24 euros pour une première demande. Au Cameroun, l’équivalence passe par une plateforme payante de 25.000 FCFA, lancée en 2025. Ces obstacles accentuent les inégalités au sein du continent alors même que la mobilité étudiante africaine vers la France a bondi de 17 % en cinq ans, atteignant 187.150 étudiants africains en 2022-2023.
Le Maroc, en modernisant son système, devient le seul pays du continent à adopter une approche alignée sur les standards internationaux de mobilité académique, tout en stimulant directement des secteurs clés comme la santé ou l’ingénierie. Une dynamique qui renforce son attractivité et sa capacité à retenir ses talents formés à l’étranger. Toutefois, cette réforme ne couvre pas les diplômes délivrés par les établissements privés français ni les formations en ligne non reconnues, laissant une partie des diplômés dans un vide juridique.
À l’échelle panafricaine, cette initiative met en lumière l’absence d’un cadre harmonisé de reconnaissance académique. La Convention d’Arusha révisée, appuyée par la Commission de l’Union africaine, vise une telle harmonisation, mais reste encore inopérante à l’échelle continentale. Ce manque de coordination favorise les inégalités d’accès à l’emploi et accentue la fuite des compétences, notamment depuis les pays à la bureaucratie rigide.
Par effet d’attraction, le Maroc pourrait devenir un pôle de rétention des diplômés francophones du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, notamment ceux d’Algérie ou de Tunisie, confrontés à des systèmes d’équivalence plus dissuasifs. Cette réforme, bien que nationale, risque donc d’amplifier la redistribution régionale des talents au détriment de certains pays.
Cette politique marque un tournant dans la diplomatie académique marocaine et pourrait servir de modèle pour d’autres États africains désireux de faciliter le retour et l’intégration professionnelle de leurs jeunes formés à l’étranger. Reste à savoir si cette réforme isolée inspirera des dynamiques collectives ou accentuera les fractures éducatives au sein du continent.