Le binge watching, ou visionnage compulsif, est aujourd’hui une pratique banalisée dans le quotidien des consommateurs de contenu audiovisuel. Popularisé par l’essor des plateformes de streaming telles que Netflix, Amazon Prime et Disney+, ce comportement consiste à enchaîner plusieurs épisodes d’une série, voire une saison complète, sans interruption. Si ce phénomène peut sembler anodin, des recherches récentes suggèrent qu’il pourrait être le reflet de traumatismes enfouis, notamment des abus émotionnels subis durant l’enfance.
Une étude réalisée par des chercheurs des universités Magna Græcia de Catanzaro et de Cassino en Italie met en lumière ce lien étonnant. En interrogeant 1082 jeunes Italiens âgés de 18 à 25 ans, les chercheurs ont évalué l’impact des violences psychologiques subies dans l’enfance sur le comportement de binge watching. Les résultats montrent que les individus exposés à des comportements toxiques tels que la dévalorisation, la moquerie ou la critique constante présentent une tendance plus marquée à se plonger de manière excessive dans les séries. Cette pratique apparaît alors comme un mécanisme de régulation émotionnelle visant à fuir les souvenirs douloureux et les émotions négatives.
Le binge watching s’est imposé comme une norme culturelle depuis que Netflix a bouleversé les modes de diffusion. En 2013, la plateforme a révolutionné le visionnage des séries en mettant à disposition l’intégralité de la première saison de « House of Cards » d’un seul coup. Cette stratégie a encouragé les utilisateurs à consommer les épisodes en continu, transformant ce qui était un loisir occasionnel en un rituel quotidien. Les algorithmes de recommandations, la lecture automatique des épisodes et l’absence de publicité accentuent cette dynamique, captant l’attention des spectateurs pendant des heures.
Ce comportement trouve également une explication neurobiologique. Le visionnage prolongé de contenus libère de la dopamine, un neurotransmetteur associé au plaisir, renforçant ainsi le désir de poursuivre l’activité. Toutefois, cette gratification immédiate peut mener à des dérives. Des sessions prolongées de visionnage favorisent la sédentarité, perturbent le sommeil et limitent les interactions sociales. À long terme, cela peut engendrer anxiété et dépression.
Pour certains, ce comportement n’est pas qu’une simple distraction. Il devient un refuge face à des difficultés émotionnelles. Les personnes souffrant de narcissisme vulnérable, caractérisé par une faible estime de soi et une hypersensibilité aux critiques, sont particulièrement enclines à s’engager dans le binge watching. Incapables de gérer leurs émotions, elles trouvent dans les récits fictifs un moyen d’échapper temporairement à leur réalité.
Face à ces constats, il devient essentiel d’adopter des stratégies pour limiter ce comportement. Se fixer des limites de visionnage, désactiver la lecture automatique ou privilégier des activités alternatives comme la lecture ou le sport peuvent aider à retrouver un équilibre. Une consommation réfléchie des contenus médiatiques permet de préserver sa santé mentale et physique.
Le binge watching, loin d’être un simple loisir, peut être le symptôme d’un mal plus profond. Comprendre ses origines et ses conséquences est crucial pour en faire un usage plus sain et modéré.