Le 6 octobre prochain, les citoyens kazakhs se rendront aux urnes pour décider du lancement d’un programme nucléaire à travers un référendum national. Ce vote, encadré par environ 230 associations publiques locales et une présence d’observateurs internationaux, sera crucial pour l’avenir énergétique du Kazakhstan. Selon Nurlan Abdirov, président de la Commission électorale centrale, plus de 10 000 commissions et 70 000 bureaux de vote seront mobilisés pour garantir un processus transparent et accessible.

L’enjeu est de taille. Le pays, riche en réserves d’uranium mais confronté à des défis croissants dans sa production d’électricité, doit trouver des solutions durables pour répondre à une demande énergétique galopante. En 2023, le Kazakhstan a dû importer de l’électricité, une situation qui souligne l’urgence de diversifier ses sources énergétiques. L’énergie nucléaire, qui fournit déjà près de 10 % de l’électricité mondiale via 412 réacteurs répartis dans 31 pays, apparaît comme une option incontournable pour le gouvernement. Pourtant, cette décision ne fait pas l’unanimité parmi la population.

L’un des principaux arguments en faveur de la construction d’une centrale nucléaire repose sur l’abondance des ressources naturelles du pays. Avec près de 45 % des réserves mondiales d’uranium, le Kazakhstan est un acteur clé sur la scène internationale en matière de production et d’exportation de ce minerai. Mais au lieu de continuer à se limiter à l’exportation, l’idée de valoriser ces ressources pour répondre aux besoins domestiques prend de l’ampleur. L’objectif est de développer des infrastructures capables d’enrichir l’uranium pour produire de l’énergie localement.

Cependant, l’histoire nucléaire du Kazakhstan pèse lourd dans les débats. Pendant des décennies, le pays a été un théâtre d’essais nucléaires, notamment sur le site de Semipalatinsk, qui a marqué des générations. Entre 1949 et 1989, pas moins de 460 explosions ont été menées, provoquant des conséquences dévastatrices sur la santé publique et l’environnement. Ces souvenirs, associés aux catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima, continuent de nourrir une vive opposition parmi certains segments de la population. Le mouvement Nevada-Semipalatinsk, créé pour mettre fin aux essais nucléaires, reste une référence dans la mémoire collective, un symbole de lutte pour la paix et contre l’armement nucléaire.

Sur le plan international, le Kazakhstan jouit pourtant d’une réputation exemplaire dans le domaine du désarmement et de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Depuis son indépendance en 1991, le pays a fermé le site de Semipalatinsk, renoncé à l’un des plus grands arsenaux nucléaires au monde, et adhéré au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Le Kazakhstan abrite également la Banque d’uranium faiblement enrichi de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ce qui témoigne de sa volonté de participer activement à la sécurité nucléaire mondiale.

Les bénéfices potentiels de la construction d’une centrale nucléaire ne se limitent pas à la production énergétique. Le Kazakhstan s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 15 % d’ici 2030, en ligne avec l’Accord de Paris, et vise la neutralité carbone d’ici 2060. Le passage à l’énergie nucléaire pourrait jouer un rôle déterminant dans la réduction de la dépendance aux énergies fossiles, notamment le charbon, qui domine encore largement la production électrique nationale.

La dimension régionale et internationale de ce projet est également cruciale. Une centrale nucléaire au Kazakhstan pourrait renforcer la sécurité énergétique non seulement pour le pays, mais aussi pour l’Asie centrale et l’Europe. Le Kazakhstan a déjà signé des accords avec l’Azerbaïdjan et l’Ouzbékistan pour développer des projets d’énergie verte visant à connecter leurs réseaux électriques, avec l’ambition d’exporter de l’électricité vers l’Union européenne via la mer Caspienne. L’intégration du nucléaire dans ce mix énergétique diversifié pourrait ainsi renforcer la position du Kazakhstan en tant que fournisseur clé pour l’Europe, en particulier dans un contexte géopolitique marqué par des tensions en Eurasie.

Si le référendum aboutit à une approbation de la construction de la centrale, le rôle de l’AIEA sera central dans l’accompagnement du Kazakhstan tout au long du processus. En effet, l’agence internationale a déjà évalué la capacité du pays à développer un programme nucléaire, notamment en matière de sûreté, de gestion des déchets et de planification des interventions d’urgence. Un accord-cadre signé en 2023 entre l’AIEA et le Kazakhstan témoigne de la volonté du pays de garantir la sûreté nucléaire dans toutes les étapes du projet.

Le référendum à venir sera donc décisif pour l’avenir énergétique du Kazakhstan. Si les citoyens choisissent de soutenir cette initiative, le pays pourrait entrer dans une nouvelle ère de son développement énergétique, en contribuant activement à la lutte contre le changement climatique tout en renforçant sa souveraineté énergétique.

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