Dans une échoppe nichée au cœur d’un quartier populaire de Beyrouth, Hassan al-Makari aligne soigneusement des récipients emplis de mfatka, une douceur généreuse et subtilement parfumée, emblématique de la capitale libanaise, dont il perpétue inlassablement la tradition.
« Je travaille ici depuis un demi-siècle, mais cela fait trois décennies que nous nous sommes consacrés exclusivement à la mfatka », confie cet homme de 73 ans, dans sa modeste boutique au charme ancien.
La mfatka est une délicieuse composition à base de riz, de curcuma, de crème de sésame, de sucre et de pignons de pin. Au départ, Hassan al-Makari proposait d’autres pâtisseries, mais face à l’engouement croissant pour cette spécialité, il a choisi de s’y dédier entièrement, la préparant minutieusement avec l’aide de son cousin.
« Nous commençons par ajouter le curcuma, qui est l’ingrédient principal, puis le tahini (crème de sésame), le sucre et le riz… Le tout est cuit lentement », explique-t-il. Hassan al-Makari fait tremper le riz toute la nuit et, dès l’aube, se met à l’œuvre. La préparation du dessert prend environ quatre heures, exigeant un brassage constant.
Il se souvient que son père avait commencé à confectionner la mfatka, bien que sceptique à l’idée que les gens paieraient pour un mets généralement préparé à domicile. Dans sa boutique, des récipients en plastique remplis de cette douceur, à déguster à la cuillère, attendent les clients qui passent commande depuis la rue animée.
Imane Chehab, 55 ans, est venue acheter de la mfatka pour sa mère, qui la préparait autrefois elle-même. « Elle est désormais trop âgée pour pouvoir la remuer… C’est un travail qui demande beaucoup d’efforts », explique-t-elle. Pour elle, cette spécialité est « une tradition pour nous, Beyrouthins », et les boutiques comme celle de Hassan al-Makari « incarnent le Beyrouth d’antan que nous chérissons et voulons préserver
».
Un héritage vivant
Non loin de là, Samir al-Makari, 35 ans, perpétue la tradition familiale. Dans une boutique modernisée, où l’on trouve également des pâtisseries orientales telles que les baklavas, il s’affaire derrière le comptoir, remuant de la mfatka dans un chaudron de cuivre. Il pèse et mélange ensuite le sucre, le tahini et les pignons de pin dans un autre récipient.
Autrefois, la mfatka n’était préparée qu’une fois l’an, le dernier mercredi d’avril, lors d’une fête où les familles se rassemblaient sur la plage publique de Beyrouth. Cette tradition, connue sous le nom de « mercredi de Job », fait référence à cette figure biblique, également évoquée dans le Coran sous le nom d’Ayoub, célèbre pour sa grande patience, explique Samir. Selon la légende, la préparation de la mfatka demande une patience égale à celle de Job.
Les murs de la boutique, gérée par Samir et son frère, sont ornés de photographies de leur père et de leur grand-père, immortalisés en plein travail. Samir raconte qu’il lui arrive de préparer la mfatka deux fois par jour, selon la demande, et que certains clients l’emportent au-delà de Beyrouth pour la faire découvrir à ceux qui ne la connaissent pas encore.
Quant à Hassan al-Makari, il se réjouit que ses enfants poursuivent cette tradition ancestrale. La mfatka est, selon lui, « un trésor de notre patrimoine », transmis de génération en génération au sein de la famille.