La tendance du « Quiet Hiring » a émergé dans le monde du travail en 2023, faisant suite à des concepts comme le « Quiet Quitting » et le « Quiet Firing ». Derrière ce terme se cache une stratégie qui consiste à combler les besoins en main-d’œuvre par des employés internes ou des prestataires externes, sans recourir à un recrutement officiel. L’objectif ? Réduire les coûts en redistribuant les tâches existantes. Cependant, cette pratique soulève plusieurs questions sur ses avantages et ses risques, tant pour les employeurs que pour les employés.
Qu’est-ce que le « Quiet Hiring » ?
Le « Quiet Hiring », ou embauche discrète, se distingue des méthodes traditionnelles de recrutement. Plutôt que de chercher de nouveaux talents sur le marché, les entreprises se tournent vers leurs propres équipes pour combler les manques ou remplacer les postes vacants. Ce processus n’implique pas nécessairement une promotion officielle ou une augmentation salariale pour les employés concernés, mais repose plutôt sur l’attribution de nouvelles responsabilités. Cela permet aux organisations de s’adapter rapidement tout en limitant les coûts liés au recrutement externe.
Caroline Boyce, consultante en gestion des talents, précise que ce phénomène n’est pas une nouveauté. Elle le décrit comme un enrichissement des rôles existants, où les entreprises augmentent temporairement les heures de travail ou redistribuent les responsabilités internes. « Ce modèle est idéal lorsqu’une organisation doit augmenter ses effectifs pour un projet spécifique, sans avoir les moyens d’embaucher en externe », explique-t-elle.
Des avantages clairs, mais des risques à ne pas négliger
L’un des principaux avantages du « Quiet Hiring » est l’opportunité qu’il offre aux employés de développer de nouvelles compétences. Par exemple, dans le cadre d’un projet important ou d’un remplacement temporaire, un salarié peut assumer des fonctions qu’il n’aurait pas occupées autrement. Cela peut être une porte d’entrée vers un rôle plus élevé, offrant une expérience précieuse pour sa carrière.
Pour les employeurs, cette approche permet de combler des besoins immédiats sans les coûts associés à l’embauche externe. Cependant, si cette stratégie est mal gérée, elle peut engendrer des frustrations parmi les employés. En effet, certains peuvent ressentir qu’ils sont exploités si leurs responsabilités augmentent sans compensation ou reconnaissance adéquate. « C’est une forme d’exploitation discrète lorsque les employés sont poussés à accepter plus de tâches sans qu’on tienne compte de leur bien-être », prévient Xavier Parent-Rocheleau, professeur en gestion des ressources humaines à HEC Montréal.
Un risque d’épuisement professionnel
L’un des dangers majeurs du « Quiet Hiring » est qu’il peut mener à un épuisement professionnel. Si un salarié accepte de prendre en charge des tâches supplémentaires, il peut se retrouver submergé sans que ses efforts ne soient pleinement reconnus. L’absence de promotions ou d’augmentations salariales claires peut mener à une baisse de la motivation, voire à des départs de collaborateurs insatisfaits.
« Les entreprises doivent être attentives à la charge de travail qu’elles demandent à leurs employés », souligne Florian Pradon, consultant en gestion du capital humain. Il est essentiel de reconnaître les efforts déployés et de s’assurer que les salariés ne sont pas surmenés. « La transparence est la clé. Les employés doivent être informés des raisons pour lesquelles ces tâches supplémentaires leur sont attribuées et de la manière dont elles seront compensées », ajoute-t-il.
Comment éviter les abus du « Quiet Hiring » ?
Pour que le « Quiet Hiring » soit bénéfique tant pour l’entreprise que pour l’employé, il est nécessaire de l’aborder de manière stratégique et transparente. Les responsables RH doivent s’assurer que les tâches supplémentaires sont redistribuées équitablement, sans surcharger certains collaborateurs. Il est également crucial de réévaluer régulièrement la situation pour éviter l’épuisement des ressources humaines.
Une bonne pratique consiste à établir un plan de relève et de développement des compétences pour les employés qui prennent de nouvelles responsabilités. La formation, la reconnaissance, et, si possible, une compensation financière ou des avantages en nature doivent être intégrés dans la stratégie du « Quiet Hiring ». Ces mesures permettent de maintenir un équilibre entre les attentes de l’entreprise et le bien-être des employés.
Une tendance durable ?
Le « Quiet Hiring » semble avoir trouvé sa place dans un marché du travail de plus en plus incertain et compétitif. Face à la difficulté de trouver de nouveaux talents et à la nécessité de maîtriser les coûts, de nombreuses entreprises pourraient continuer à privilégier cette méthode dans les années à venir. Cependant, cette tendance ne peut être viable que si elle est pratiquée avec discernement, en prenant soin de ne pas exploiter les employés et en garantissant une communication claire et une reconnaissance juste de leurs efforts.