La ville de Casablanca a vibré mardi soir au rythme de la première projection du long-métrage « Mon père n’est pas mort » du réalisateur Adil El Fadili. L’œuvre, déjà récompensée à plusieurs reprises dans des festivals prestigieux, plonge le spectateur dans une intrigue à la fois poignante et lumineuse. Présenté au Megarama devant une audience composée d’artistes et de cinéphiles, ce film de 100 minutes raconte l’histoire de Malik, un jeune garçon de 10 ans, confronté à la disparition inexpliquée de son père Mehdi.

Dans le cadre pittoresque d’une fête foraine où il vit avec son père, Malik voit son quotidien bouleversé par l’apparition de cinq toiles mystérieuses offertes par Mehdi avant son brusque enlèvement par les forces de l’ordre. Le récit s’inscrit dans les années 1970, période trouble des « années de plomb » au Maroc. En dépit de l’émotion suscitée par ce contexte historique, Adil El Fadili a choisi de dépouiller son film de tout discours politique, préférant une approche humaine et universelle. « C’est une histoire de résilience et d’espoir », souligne le réalisateur, insistant sur le caractère dépolitisé de son récit.

Porté par un casting impressionnant, le film met en scène des figures emblématiques du cinéma marocain, telles que Mohamed Khouyi, Omar Lotfi, Fatima Atif, Nadia Kounda et Abdenbi El Beniwi. Le jeune Adam Raghal, qui interprète Malik, livre une performance poignante, capturant avec une rare justesse l’innocence et la détermination d’un enfant en quête de vérité. Aziz El Fadili, père du réalisateur et artiste disparu en 2021, apporte une touche posthume à cette œuvre en y incarnant l’un de ses derniers rôles.

Si certains critiques ont vu dans le scénario un écho à la propre histoire familiale du réalisateur, Adil El Fadili réfute tout lien direct. « Le titre existait avant le décès de mon père. Cette association est purement fortuite », explique-t-il. Le film, bien qu’ancré dans une époque sombre, se distingue par une esthétique vibrante, à la fois colorée et exubérante. Ce contraste offre une perspective unique sur les événements tragiques des années 1970, présentés sous le regard candide d’un enfant.

La richesse visuelle du film est renforcée par une reconstitution minutieuse du Casablanca des années 70, entièrement recréée en studio. Adil El Fadili n’a pas caché les difficultés rencontrées lors du tournage, réalisé en seulement deux mois dans un contexte budgétaire contraignant. « Nous avons souvent dû interrompre la production pour chercher des financements, ce qui était très éprouvant. Mais cette adversité a également renforcé la passion et la détermination de l’équipe », confie le réalisateur.

« Mon père n’est pas mort » a déjà conquis le public lors du Festival national du film de Tanger 2023, où il a remporté six prix, dont le Grand Prix et celui de la Meilleure réalisation. Ce succès s’inscrit dans la trajectoire ascendante d’Adil El Fadili, formé au Conservatoire libre du cinéma français (CLCF) à Paris, et auteur d’un premier court-métrage prometteur, « Courte vie », réalisé en 2010.

Le choix d’utiliser l’humour et une palette chromatique vive pour aborder un sujet grave est un pari audacieux qui reflète l’identité artistique du réalisateur. Cette approche vise à encourager une réconciliation avec le passé tout en offrant une expérience cinématographique immersive et accessible. « Mon père n’est pas mort » n’est pas seulement une histoire de perte et de résilience, mais aussi un hommage aux racines créatives et culturelles du Maroc.

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