Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de la Duke-NUS Medical School et de l’Institut national des neurosciences de Singapour révèle un lien étonnant entre les microbes intestinaux et la régulation de l’anxiété. Publiée dans EMBO Molecular Medicine, cette recherche met en lumière l’influence des bactéries intestinales sur le fonctionnement cérébral et leur potentiel à remplacer certains traitements médicamenteux.
Selon le professeur associé Shawn Je, du programme des troubles neurologiques et comportementaux de Duke-NUS, « l’absence totale de microbes intestinaux chez les sujets d’étude a entraîné une augmentation significative des comportements anxieux ». En d’autres termes, ces micro-organismes jouent un rôle clé dans le maintien d’un équilibre émotionnel.
Les chercheurs ont mené leur expérience sur deux groupes de souris : l’un élevé normalement, avec une flore intestinale complète, et l’autre élevé en environnement stérile, sans aucune bactérie. Pour mesurer leur niveau d’anxiété, plusieurs tests comportementaux ont été réalisés, notamment le test du champ ouvert et le labyrinthe élevé en anneau. Les souris dépourvues de microbes ont montré une forte tendance à rester cachées dans les zones closes, signe d’un stress accru.
Les scientifiques ont approfondi leurs analyses en examinant l’activité neuronale de l’amygdale basolatérale, une région clé du cerveau impliquée dans la gestion des émotions et de l’anxiété. Chez les souris sans bactéries intestinales, cette zone présentait une hyperactivation due à un dysfonctionnement des canaux SK2, qui jouent normalement un rôle de régulateur neuronal. En d’autres termes, sans l’action des microbes intestinaux, le cérveau devenait excessivement réactif aux stimuli anxiogènes.
Deux traitements ont été testés pour rétablir un comportement normal chez ces souris. Le premier consistait à leur administrer des bactéries intestinales courantes, tandis que le second ajoutait un composé microbien appelé indole à leur eau potable. Après six semaines, les souris traitées ont montré une réduction significative des comportements anxieux et un retour à une activité cérébrale normale.
Pour Patrick Tan, doyen adjoint principal pour la recherche à Duke-NUS, cette découverte ouvre des perspectives importantes pour les patients souffrant de troubles anxieux, notamment ceux qui tolèrent mal les médications psychotropes. « Nos résultats illustrent les liens profonds entre les microbes, la nutrition et le fonctionnement cérébral », explique-t-il.
Cette étude confirme ainsi l’importance du microbiote intestinal dans la santé mentale et suggère que les traitements à base de bactéries ou de leurs métabolites pourraient constituer une alternative naturelle aux médicaments contre l’anxiété. Une piste prometteuse qui pourrait transformer l’approche des troubles psychologiques.