Le Maroc se prépare à franchir une étape décisive dans sa transition écologique avec l’introduction d’une taxe carbone, prévue dans la Loi de finances 2025. Cette mesure, qui repose sur le principe du « pollueur-payeur », vise à réduire les émissions de CO2 tout en soutenant l’équilibre des finances publiques. Bien que jugée imparfaite par certains experts, elle est perçue comme un levier stratégique essentiel pour l’avenir énergétique du pays.
La taxe carbone représente une occasion unique pour le Maroc de renforcer ses engagements climatiques, notamment ceux pris lors de la COP22. Selon une étude publiée par BMCE Capital Global Research (BKGR), cette taxe pourrait apporter une contribution significative à l’économie, estimée à +0,8% du PIB. Cependant, le gouvernement marocain doit tenir compte de plusieurs défis pour en assurer le succès. D’une part, les secteurs industriels les plus polluants risquent de voir leurs coûts augmenter, ce qui pourrait nuire à leur compétitivité, notamment dans les secteurs de la cimenterie et de la sidérurgie. D’autre part, les ménages à faible revenu pourraient également être touchés par les hausses de coûts énergétiques liées à cette taxe, ce qui nécessite des mesures compensatoires adaptées.
Pour limiter les impacts négatifs de la taxe, BKGR recommande la mise en place de dispositifs d’accompagnement, tels que des crédits d’impôt, des subventions et des campagnes d’information à destination des populations vulnérables. Ces mesures permettraient d’assurer une transition juste et d’obtenir l’adhésion sociale indispensable pour la réussite de cette réforme.
L’enjeu est d’autant plus important que le Maroc, avec 65% de ses exportations destinées au marché européen, se trouve directement impacté par les évolutions des normes environnementales internationales. L’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), similaire à celui adopté par l’Union Européenne, pourrait constituer un modèle pour le pays. Ce système impose des taxes aux produits importés en fonction de leur empreinte carbone, incitant ainsi les entreprises marocaines à adopter des normes environnementales plus strictes pour maintenir leur compétitivité sur le marché international.
L’une des principales préoccupations reste l’adaptation des secteurs sensibles. Le rapport de BKGR met en lumière que les industries à forte intensité de carbone, telles que la cimenterie, la sidérurgie et le secteur chimique, risquent d’être les plus touchées. Cependant, une taxe progressive, inspirée du modèle européen, pourrait permettre aux entreprises de s’adapter à ces nouvelles exigences. Cette approche offrirait un délai pour revoir leurs processus industriels et réduire leur empreinte carbone, tout en limitant l’impact économique sur leur compétitivité.
Dans ce contexte, le gouvernement marocain mise également sur l’innovation et l’investissement dans les énergies renouvelables. Le pays, qui a déjà réalisé des avancées notables avec des projets comme Noor Ouarzazate, voit dans la taxe carbone un moyen de stimuler davantage les investissements dans les technologies vertes et de renforcer l’utilisation des énergies renouvelables. Le Maroc prévoit d’investir 15 milliards de dirhams dans ce secteur d’ici 2027, ce qui pourrait constituer un levier pour renforcer sa position dans la transition énergétique mondiale.
Malgré ces perspectives positives, la mise en place de cette taxe ne sera pas sans défis. Les entreprises énergivores devront redoubler d’efforts pour répondre aux exigences environnementales, et les répercussions économiques de la taxe pourraient affecter la compétitivité du pays sur certains marchés. La redistribution des recettes générées par la taxe, notamment sous forme de subventions aux projets verts et d’aides aux ménages vulnérables, sera donc cruciale pour garantir l’acceptabilité sociale de cette mesure.
Ainsi, bien que la taxe carbone présente certains défis à surmonter, elle représente un levier stratégique pour le Maroc dans sa quête d’une économie durable et décarbonée. La réussite de sa mise en œuvre dépendra de l’équilibre entre ses objectifs écologiques, ses impératifs économiques et son impact social, ainsi que de la vision stratégique globale adoptée par le gouvernement.