Après des mois à scruter un ciel avare, les dernières pluies ont redonné des couleurs aux paysages et de l’espoir aux réservoirs. D’après Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, ces précipitations ont permis de reconstituer des volumes suffisants pour subvenir à un an et demi de consommation en eau potable. Une aubaine pour un pays soumis depuis des années aux morsures de la sécheresse.
À la faveur de ces pluies providentielles, les retenues des barrages du Royaume affichent une progression spectaculaire : une envolée de 45 % par rapport à la même période l’an passé. Tous les bassins ont bénéficié de cet afflux, des contreforts du Rif aux plaines de l’Oriental, dessinant à nouveau les contours d’un avenir hydrique plus apaisé.
Mais sous cette éclaircie se cache encore un ciel chargé. Car si les nappes se remplissent, le déficit hydrique structurel demeure profond : près de 58 % en dessous de la normale. En d’autres termes, le Maroc reste prisonnier d’un cycle où la rareté devient la norme, et où chaque goutte compte double.
L’envers des retenues : quand les barrages s’ensablent
Chaque année, c’est l’équivalent de 50 millions de mètres cubes de capacité de stockage qui s’efface sous les sédiments. Ce phénomène d’envasement, souvent invisible à l’œil nu, agit comme un cancer lent qui ronge les capacités des ouvrages. Face à cette hémorragie silencieuse, le ministère a lancé une série de mesures, dont une convention avec l’Agence nationale des Eaux et Forêts pour intensifier le reboisement. Une forêt, après tout, vaut mieux qu’un filtre.
Désormais, les nouveaux barrages sont pensés autrement : des volumes tampons sont intégrés dès la conception pour absorber les sédiments sur une durée d’exploitation d’un demi-siècle. Car un barrage, c’est aussi un pari sur le long terme. Parallèlement, des opérations d’extraction de sédiments ont été engagées sur des petits barrages. Mais à 70 dirhams le mètre cube, la facture est salée. D’où l’intérêt, selon le ministre, d’opter pour des alternatives comme la surélévation d’ouvrages existants.
L’art des transferts : 17 stations au service de l’équilibre national
Dans cette stratégie de reconquête hydrique, les interconnexions jouent un rôle de trait d’union vital. Le Maroc s’est doté de 17 stations de transfert d’eau, véritables artères du réseau national, capables d’acheminer jusqu’à 1,2 milliard de mètres cubes par an. Deux axes stratégiques sont actuellement en chantier : l’un part du bassin du Sebou vers celui de Bouregreg, avec un débit attendu de 45 m³/s ; l’autre relie Bouregreg à Oum Er-Rbia à travers les barrages Sidi Mohamed Ben Abdellah et Al Massira, à raison de 30 m³/s.
Ces canaux hydrauliques dessinent une nouvelle géographie de l’eau au Maroc, où les excédents du Nord viennent panser les pénuries du Sud.
Un souffle pour l’agriculture, une lueur pour les nappes
Avec cette reprise, l’agriculture retrouve un peu de son oxygène. Les volumes alloués à l’irrigation connaissent une hausse, et les nappes phréatiques montrent timidement des signes de reconstitution. Certaines régions naguère aux abois, comme Errachidia ou Zagora, disposent désormais de réserves suffisantes pour couvrir trois années d’eau potable. Une prouesse rendue possible par les récents ouvrages mis en service.
Le ministre a rappelé que cette embellie ne saurait faire oublier l’impératif d’investir durablement dans les infrastructures hydriques. Dessalement, réutilisation des eaux usées, densification des connexions entre bassins : autant de chantiers cruciaux pour ne pas confondre pluie passagère et solution pérenne.