Les entreprises investissent de moins en moins dans la formation professionnelle, alors même que les besoins en compétences évoluent à un rythme accéléré. D’après le Forum économique mondial, près de la moitié des compétences professionnelles devront être mises à jour d’ici cinq ans, et plus de la moitié des salariés auront besoin d’une requalification d’ici 2027. Pourtant, les budgets de formation diminuent, passant de 19,2 millions de dollars en moyenne pour les grandes entreprises en 2022 à 16,1 millions en 2023, selon un rapport de Training Magazine.
Face à cette réduction des ressources, les employeurs doivent décider où concentrer leurs efforts. Une étude de Gartner, menée auprès de plus de 3 000 salariés, révèle que la formation aux compétences fondamentales liées aux postes actuels a cinq fois plus d’impact sur la performance que l’apprentissage de nouvelles compétences émergentes sans application immédiate. Pourtant, seuls 25 % des salariés préfèrent améliorer leurs compétences essentielles, tandis que 40 % s’orientent vers de nouveaux apprentissages, souvent moins utiles à court terme.
Pour rendre les formations en entreprise plus efficaces, les organisations doivent d’abord identifier les compétences clés. Les employés, les recruteurs et les managers doivent être sollicités afin de déterminer une liste restreinte de compétences essentielles à chaque fonction. Celles-ci doivent être directement liées aux objectifs stratégiques de l’entreprise et ne concerner que les capacités indispensables à l’heure actuelle. Contrairement aux compétences émergentes, qui évoluent rapidement et peuvent devenir obsolètes, les compétences fondamentales restent stables et stratégiques.
Toutefois, la résistance au changement des employés et de leurs responsables reste un obstacle. Les managers craignent que la formation continue n’affecte la productivité, tandis que les salariés doutent de l’utilité de revoir des compétences métiers qu’ils pensent déjà maîtriser. Pour surmonter ces réticences, il est crucial d’expliquer les avantages concrets d’une mise à jour des compétences essentielles, en insistant sur leur impact direct sur la progression professionnelle.
La mise en place d’un plan de formation doit également être progressive. Une entreprise ayant entrepris un audit des compétences a dû prolonger son échéance de deux ans en raison de l’ampleur du travail. Démarrer avec un groupe restreint permet d’évaluer les résultats, d’ajuster les méthodes et d’anticiper les résistances avant de généraliser le dispositif.
Les compétences émergentes ne doivent pas être ignorées, mais introduites au moment opportun. Certaines, comme l’ingénierie des invites en intelligence artificielle, sont aujourd’hui indispensables à certains métiers, alors qu’elles sont inutiles ailleurs. Il s’agit donc de repérer les tendances, d’anticiper leur importance future et de décider du bon moment pour les intégrer à la formation professionnelle.
Carlos Rivero, responsable de la gestion des talents chez Wolters Kluwer, plaide pour une approche équilibrée alliant le renforcement des compétences fondamentales et l’acquisition ciblée de compétences émergentes. Lors d’un récent échange avec Harvard Business Review, il a souligné l’importance d’une culture de l’apprentissage continu et de la responsabilisation individuelle pour motiver les salariés. Selon lui, le rôle des managers est déterminant : ils doivent accompagner leurs équipes dans la conciliation entre formation et productivité, tout en comblant les écarts entre les compétences disponibles et celles requises par l’entreprise.