Une révolution numérique secoue le monde feutré du luxe. Ce bouleversement ne provient ni des podiums ni des maisons de couture, mais d’un réseau inattendu : des ouvriers et propriétaires d’usines chinoises qui, via TikTok, lèvent le voile sur les coulisses de la fabrication des produits de luxe. Et tout a commencé à cause d’une guerre commerciale lancée par l’administration Trump.
Alors que les États-Unis imposaient une taxe de 145 % sur les importations chinoises, Pékin ripostait par un tarif de 125 % sur les produits américains. Mais au lieu de se cantonner à des tractations diplomatiques, certaines usines chinoises ont décidé de contre-attaquer à leur manière : en exposant, vidéos à l’appui, les marges exorbitantes des grandes marques et les dessous de leur fabrication.
Ces vidéos, devenues virales sous l’appellation non-officielle “Trade War TikTok”, montrent comment des articles iconiques comme les sacs Birkin, les leggings Lululemon ou les produits Chanel sont fabriqués dans les mêmes usines chinoises… puis vendus à des prix astronomiques en Occident.
China going all in. pic.twitter.com/bdoTGFMSY9
— Gerry (@GerryKeogh_) April 14, 2025
Dans l’un des clips les plus visionnés, un fabricant détaille le coût réel d’un sac Birkin d’Hermès, vendu près de 34 000 dollars. Selon lui, la production — cuir de qualité, doublure, filetage, fermeture, main-d’œuvre — ne dépasse pas 1 400 dollars. La différence ? « Plus de 90 % du prix est uniquement destiné au logo », affirme-t-il, tout en invitant les consommateurs à acheter directement auprès de son usine.
The Chinese Government has lifted the secrecy clause that the luxury brands had in place the Chinese Manufacturers
and now the manufacturers are exposing your favorite “luxury” brands and letting everyone know it all comes from them. pic.twitter.com/n18jvyBYBv— Gerry (@GerryKeogh_) April 13, 2025
Un autre témoignage montre une femme présentant des leggings identiques à ceux de Lululemon, vendus pour 5 à 6 dollars, contre les 100 dollars affichés en magasin. Le tout, selon elle, fabriqué sur la même chaîne de production.
This is so funny, Chinese are everywhere on social media telling people where big brands buy material in China. Encouraging people to buy directly from China to save money. Whoa! 🤭 pic.twitter.com/D05axRpA0A
— Gerry (@GerryKeogh_) April 14, 2025
Des cosmétiques aux vêtements de sport, aucun secteur n’est épargné. Des vidéos montrent des usines affirmant produire pour Chanel, Estée Lauder, Bobbi Brown, Nike, Adidas, UGG et bien d’autres. Les groupes OEM mentionnés incluent FJF Group, Pou Chen Group, HengLong Group ou encore Shengtai Group, qui fabriqueraient pour des géants de la mode et de la cosmétique mondiale.
BREAKING: China has taken to TikTok to EXPOSE luxury brands
Many videos like this have been posted recently, exposing brands like Chanel as getting their products from Chinese factories.
Luxury goods are 10% of EU’s exports (or 2.5% of total gdp).pic.twitter.com/QHAH5Gyla7
— ADAM (@AdameMedia) April 14, 2025
China is currently showcasing all the American brands through TikTok videos. It has confirmed that over 80% of the luxury items being purchased at exorbitant prices are manufactured in China and only packaged in US. pic.twitter.com/9gyi6DtxKi
— Rafael Carrion (@MuxicProduction) April 14, 2025
Des experts financiers voient dans cette vague une forme de « guerre économique sur smartphones », révélant des pratiques connues mais rarement exposées publiquement. Michael Ryan, analyste financier, souligne : « Ce phénomène dévoile ce que beaucoup soupçonnaient : le luxe n’est peut-être pas aussi exclusif qu’il le prétend. »
Cependant, ces révélations suscitent aussi la prudence. Certains professionnels évoquent la frontière floue entre contrefaçon et production OEM authentique. Les usines chinoises, elles, insistent : elles produisent les mêmes articles, sans les logos.
Cette transparence forcée ébranle les piliers du marketing de luxe : image de marque, exclusivité, storytelling. Des influenceurs, des usines et des consultants comme YaTing, PDG d’un cabinet chinois, rappellent que les coûts de production représentent souvent moins d’un dixième du prix de vente final.
Alors que les marques de luxe tentent de relocaliser leur production, plusieurs témoignages assurent que les efforts sont infructueux. Manque de compétences, salaires élevés, chaîne d’approvisionnement défaillante : la Chine resterait, selon eux, l’épicentre incontournable de la fabrication de qualité.
Entre révélations industrielles et révolution commerciale, le luxe vit un tournant. L’époque où un logo suffisait à justifier des milliers d’euros semble vaciller. Ce phénomène pourrait pousser les grandes marques à davantage de transparence… ou à revoir totalement leur modèle.