Un tribunal fédéral de Virginie a rendu une décision retentissante contre Google, estimant que l’entreprise a abusé de sa position dominante pour monopoliser le marché de la publicité en ligne. Cette conclusion marque une victoire majeure pour l’administration américaine, qui avait intenté une action en justice contre le géant technologique en janvier 2023. La juge Leonie Brinkema a confirmé que Google avait mis en œuvre une stratégie intentionnelle et prolongée pour évincer ses concurrents et verrouiller le marché à son profit.
Dans une décision de 115 pages rendue publique le 17 avril, la magistrate a estimé que Google avait « sciemment entrepris une série d’actions anticoncurrentielles » en associant son serveur de publication d’annonces à ses plateformes d’échange publicitaire via des clauses contractuelles et une intégration technologique sophistiquée. Cette pratique, maintenue pendant plus d’une décennie, a permis à l’entreprise d’imposer sa domination et de renforcer son hégémonie sur ces marchés cruciaux.
Selon la décision, ces méthodes ont causé des « dommages importants » aux clients de Google, qui n’avaient guère d’alternatives viables face à l’omniprésence de ses services. En parallèle, les concurrents du groupe ont été systématiquement exclus ou désavantagés, ce qui a freiné l’innovation et faussé la concurrence. La justice reproche également à Google d’avoir volontairement supprimé des fonctionnalités utiles à ses utilisateurs afin de maintenir son monopole.
Le gouvernement américain avait notamment dénoncé l’emprise de Google sur le marché des bannières publicitaires en ligne, accusant le groupe d’imposer des tarifs artificiellement élevés et de redistribuer les revenus de manière déséquilibrée. Trois logiciels clés, considérés comme incontournables pour la gestion des campagnes publicitaires, constituaient le socle de ce que l’accusation a qualifié de « triple monopole ».
Face à ces accusations, la défense de Google a minimisé la portée des faits, avançant que l’affaire reposait sur une vision datée du web, sans prendre en compte les évolutions récentes telles que la montée en puissance des réseaux sociaux, des applications mobiles ou de la recherche visuelle. L’entreprise a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel. Selon Lee-Anne Mulholland, vice-présidente du groupe, la décision ne reflète pas les réalités actuelles du marché publicitaire numérique.
La juge a donné sept jours aux parties pour établir un calendrier de la suite de la procédure, notamment pour définir les mesures correctives à envisager. Des sanctions structurelles, allant jusqu’au démantèlement de certaines activités de Google, pourraient être envisagées. Cependant, la question du démantèlement reste politiquement sensible : Donald Trump, en campagne pour la présidentielle, a déjà exprimé son opposition à cette option, la jugeant défavorable aux intérêts économiques américains.
Cette affaire n’est pas isolée. Dans un autre dossier en cours à Washington, Google a également été reconnu coupable de pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de la recherche en ligne. La peine dans cette seconde affaire reste à déterminer.
Avec cette nouvelle condamnation, le paysage technologique mondial pourrait être profondément bouleversé, à l’heure où la régulation des grandes plateformes numériques s’intensifie à travers le globe.