La Turquie vient d’instaurer une interdiction stricte des accouchements par césarienne sans justification médicale dans les établissements de santé privés. Cette décision, publiée au journal officiel par le ministère de la Santé, s’inscrit dans une série d’initiatives visant à encourager les accouchements par voie naturelle. Elle a immédiatement déclenché une vague de critiques de la part de l’opposition politique, des associations féministes et de nombreux professionnels de santé.
La mesure intervient dans un contexte de forte pression politique. Le président Recep Tayyip Erdogan, fervent défenseur d’une natalité accrue, a plusieurs fois appelé les femmes turques à avoir au moins trois enfants. En janvier, il a déclaré que 2025 serait « l’année de la famille », une stratégie visant à enrayer la baisse du taux de fécondité, qui a chuté à 1,51 enfant par femme en 2023, un chiffre historiquement bas pour le pays.
La Turquie détient déjà le record du plus fort taux de césariennes parmi les pays de l’OCDE, avec 584 accouchements par césarienne pour 1 000 naissances vivantes en 2021, selon la Revue mondiale de la population. Cette tendance, qui dépasse largement les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, a nourri le débat sur une supposée surmédicalisation de la naissance.
L’interdiction s’applique uniquement aux cliniques privées, où les césariennes programmées étaient souvent choisies pour le confort ou la planification. Désormais, seuls les cas présentant un risque avéré pour la santé de la mère ou de l’enfant pourront justifier une telle intervention chirurgicale.
La polémique a pris une dimension nationale le week-end dernier, lorsqu’au début d’un match opposant Fenerbahçe à Sivassapor, les joueurs de Sivassapor ont brandi une banderole officielle du ministère de la Santé affirmant que « L’accouchement naturel est naturel ». Ce message, perçu par de nombreux citoyens comme une tentative d’ingérence dans les choix intimes des femmes, a ravivé les tensions entre les autorités et les organisations de défense des droits des femmes.
Les critiques dénoncent une politique paternaliste qui réduit l’autonomie des femmes face à leur propre corps. Plusieurs médecins soulignent également que cette interdiction risque d’augmenter la pression sur les hôpitaux publics, tout en mettant en péril la santé des femmes dans les cas où une césarienne pourrait être médicalement souhaitable mais non formellement « justifiée » à temps.
Alors que le gouvernement insiste sur la nécessité de préserver la santé maternelle et infantile, ses opposants dénoncent une dérive idéologique déguisée en réforme sanitaire. Cette nouvelle réglementation risque d’alimenter encore un peu plus la fracture entre conservatisme politique et libertés individuelles en Turquie.