Bank Al-Maghrib (BAM) s’apprête à lancer un projet inédit visant la création d’un marché secondaire pour les créances en souffrance, une initiative ambitieuse qui devrait transformer le paysage bancaire marocain. Cette annonce, faite jeudi à Casablanca par le directeur général de BAM, Abderrahim Bouazza, lors d’une conférence en collaboration avec la Société Financière Internationale (SFI), marque une avancée significative pour assainir les bilans des banques et stimuler l’économie nationale.
Ce marché secondaire s’appuie sur un projet de loi prévoyant l’élimination des barrières juridiques qui freinent actuellement la transférabilité des créances impayées. « Il s’agit de lever les obstacles tels que l’exigence du consentement du débiteur et de simplifier les modalités de notification pour le recouvrement », a précisé Bouazza.
Un enjeu critique pour les banques et l’économie
Le volume des créances en souffrance au Maroc dépasse désormais les 98 milliards de dirhams, soit 8,6% des crédits bancaires et près de 7% du PIB. Cette montée en flèche, constatée sur une décennie, s’explique par des facteurs comme une conjoncture économique difficile, des tensions sectorielles et le surendettement des ménages et des entreprises. Ces créances génèrent des coûts de gestion élevés pour les banques, immobilisent des fonds propres essentiels et affectent leur liquidité.
Bouazza a souligné que ce phénomène pourrait s’aggraver à l’avenir, notamment en raison des chocs économiques récents dont les répercussions ne sont pas encore visibles dans les bilans bancaires. Actuellement, les banques marocaines présentent un déficit de liquidité moyen estimé à 120 milliards de dirhams, un besoin comblé en partie par BAM. La mise en place de ce marché pourrait significativement atténuer cette pression.
Allocution d’ouverture de Monsieur Abderrahim Bouazza, Directeur Général de @BankAlMaghrib à l’occasion de la conférence, sous le thème : « Catalyser le marché secondaire des créances en souffrance au Maroc ».
Discours ➡️ https://t.co/rstEsGMHAx@IFC_fr pic.twitter.com/0pBPe8R6UV— Bank Al-Maghrib (@BankAlMaghrib) November 28, 2024
Des mécanismes adaptés et un cadre inclusif
L’objectif est de permettre aux établissements de crédit de céder leurs créances en souffrance à des investisseurs spécialisés, libérant ainsi des fonds propres et renforçant leur capacité à octroyer de nouveaux crédits. Selon David Tinel, représentant régional de la SFI, ce projet, démarré en 2019, vise à répondre aux attentes du secteur bancaire en identifiant les obstacles et en proposant des solutions adaptées.
Les créances en souffrance seront valorisées selon des critères négociés avec les investisseurs, qui bénéficieront d’un accès à des systèmes d’information détaillés pour effectuer leurs analyses. Un cadre fiscal approprié sera également mis en place pour faciliter ces transactions.
Une réforme d’envergure sous pilotage interinstitutionnel
Ce projet, mené par un comité interinstitutionnel incluant plusieurs ministères et organismes tels que le Secrétariat Général du Gouvernement et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, reflète une approche inclusive. La concertation avec les parties prenantes, notamment les banques, a permis d’ajuster les dispositifs aux réalités du marché et d’anticiper les défis opérationnels.
Le développement de ce marché secondaire est perçu comme une réponse innovante aux défis de solvabilité et de liquidité. En offrant aux banques une solution efficace pour se délester de leurs créances impayées, cette réforme pourrait stimuler l’économie marocaine en facilitant l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages.