Depuis sa création en 1922, le marché de Derb Ghallef est bien plus qu’un lieu de commerce : c’est une institution casablancaise, symbole d’un chaos organisé qui a façonné l’histoire du quartier Maârif. Avec ses ruelles labyrinthiques et ses échoppes de fortune, cette Joutia mythique s’apprête à tourner une page de son histoire centenaire. Un projet ambitieux de modernisation vise à restructurer ce temple du commerce informel tout en préservant son esprit unique.
Une transformation nécessaire, mais respectueuse
Derb Ghallef est à la croisée des chemins. Bien qu’il soit une icône populaire, ce marché est souvent perçu comme une zone problématique au cœur du Maârif. « Le temps est venu de donner à Derb Ghallef une nouvelle allure, sans pour autant altérer son identité », affirme Abdessadek Morchid, président du Conseil de l’arrondissement à Le360.ma.
Le projet prévoit des boutiques modernes organisées sur deux niveaux, des artères dégagées et des infrastructures rénovées, inspirées du modèle de la nouvelle Souika de Rabat. Adieu les ruelles boueuses et les toitures en tôle ; place à un espace de vie harmonieux, doté d’un parking souterrain, d’une mosquée et d’espaces verts. Cependant, il ne s’agira pas d’un énième centre commercial standardisé. « Derb Ghallef est un patrimoine vivant de Casablanca. Sa réhabilitation doit respecter son cachet authentique », précise M. Morchid.
Un écosystème organisé sous un chaos apparent
Derrière l’apparente anarchie de la Joutia se cache une organisation surprenante. Le marché est divisé en deux sections, Souk Salam et Souk Ennajd, chacune avec des accès distincts. Les étals sont répartis en zones spécialisées : jeux vidéo, téléphonie, électronique, réparation… Ce microcosme suit des règles strictes, notamment l’équité dans la répartition des espaces.
Les défis restent nombreux
Parmi les principaux obstacles figure le statut foncier du terrain, appartenant à des héritiers privés. Une procédure d’expropriation est en cours pour établir l’utilité publique du projet et indemniser les propriétaires. En parallèle, un enjeu clé reste la continuité de l’activité pendant les travaux. Les commerçants, encore marqués par les pertes liées au confinement, plaident pour une réhabilitation par phases.
« Une suspension totale des activités signerait la fin de la Joutia », avertit les commerçants. « Nous espérons que les travaux soient réalisés par tranches, afin de préserver notre activité et de maintenir l’afflux des clients. »
Un nouveau chapitre pour une institution centenaire
Le chantier promet d’être une petite révolution pour Casablanca, redessinant l’un des plus anciens marchés de la ville tout en préservant son identité. Si la date précise de début des travaux et le budget restent à finaliser, l’avenir de Derb Ghallef s’écrit déjà dans les plans d’urbanisme de la métropole. Une modernisation nécessaire pour ce lieu emblématique, qui fêtera bientôt ses 102 ans d’existence.
D’un marché en tôle à un espace de vie moderne, Derb Ghallef s’apprête à conjuguer tradition et innovation, prouvant qu’il est possible de réconcilier le passé et l’avenir.