Les importations de gaz naturel au Maroc en provenance d’Espagne ont enregistré une croissance spectaculaire en 2024, marquant une nouvelle ère dans la relation énergétique entre ces deux nations. Selon des sources espagnoles, le Maroc a absorbé 18,5 % des exportations totales de gaz de l’Espagne en juin 2024, une augmentation vertigineuse comparée aux maigres 0,1 % enregistrés un an plus tôt. Ce bond impressionnant reflète une transformation stratégique dans la gestion des approvisionnements énergétiques du Royaume chérifien.
Cette hausse des exportations espagnoles vers le Maroc survient dans un contexte de réajustements géopolitiques et énergétiques en Méditerranée. Le gazoduc Maghreb-Europe, initialement conçu pour acheminer le gaz algérien vers l’Europe via le Maroc, a vu son flux inversé depuis 2022. L’Espagne, désormais un acteur clé dans cette nouvelle configuration, a non seulement répondu aux besoins croissants du Maroc, mais a aussi réorienté ses exportations, réduisant parallèlement ses livraisons à d’autres partenaires européens, comme l’Italie.
L’ampleur de cette augmentation est stupéfiante. Au cours des douze derniers mois, 9 338 gigawattheures de gaz naturel ont été transférés au Maroc via le gazoduc Maghreb-Europe, soit une multiplication par 155 des volumes par rapport à l’année précédente. En janvier 2024, le Maroc est même devenu le principal destinataire des exportations espagnoles, captant 28 % des volumes mensuels, une première historique.
L’accord de réouverture du gazoduc Maghreb-Europe en 2022 par les autorités espagnoles a non seulement permis cette inversion de flux, mais a aussi propulsé le Maroc au rang de deuxième client des réexportations de gaz espagnol, derrière la France. Le gouvernement marocain, soucieux de renforcer sa souveraineté énergétique, a signé en mars dernier un protocole d’accord stratégique pour le développement d’une infrastructure gazière robuste. Ce plan, fruit d’une coordination entre plusieurs ministères et organismes publics, vise à doter le Royaume de points d’entrée pour le gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que d’infrastructures de stockage et de transport adaptées aux besoins futurs.
Ce programme de développement, étalé sur plusieurs années, ambitionne de relier les bassins de production nationaux aux consommateurs via des gazoducs, tout en développant un terminal GNL au port de Nador West Med et un nouveau gazoduc pour le connecter au gazoduc Maghreb-Europe. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large de décarbonation de l’économie marocaine, tout en préparant le terrain pour les nouvelles filières énergétiques comme l’hydrogène vert et ses dérivés.
La fermeture par l’Algérie du gazoduc Maghreb-Europe en octobre 2021 a indéniablement précipité ce réalignement stratégique. Face à cette situation, le Maroc s’est tourné vers l’Espagne pour sécuriser ses approvisionnements en gaz, contournant ainsi les menaces algériennes qui pesaient sur la continuité des livraisons. Les autorités espagnoles ont dû mettre en place un dispositif rigoureux pour garantir que le gaz destiné au Maroc ne soit pas d’origine algérienne, afin de respecter les engagements contractuels et éviter tout conflit diplomatique.
Ce redéploiement des flux énergétiques illustre non seulement la résilience du Maroc face aux défis énergétiques régionaux, mais aussi son engagement à diversifier ses sources d’approvisionnement pour renforcer sa position sur le marché mondial.