Les transferts des MRE, moteur essentiel de l’économie marocaine, risquent de s’enliser dans les sables mouvants d’une directive européenne. Face à cette tempête annoncée, les autorités marocaines et les banques touchées sont sur le pied de guerre, négociant en coulisses avec l’Union européenne pour éviter ce coup dur. Un nouveau round de discussions s’ouvrira en octobre et s’étendra jusqu’à la fin de l’année, car l’enjeu est de taille.
Une épée de Damoclès suspendue au-dessus des banques marocaines en Europe, voilà ce que représente cette nouvelle législation. Conçue par la direction générale FISMA, qui régule la stabilité financière et les services financiers au sein de l’UE, cette directive vise principalement à encadrer les banques anglaises après le Brexit. Mais, comme un filet qui attrape tout sur son passage, elle concerne également toutes les banques étrangères opérant sur le sol européen, y compris les marocaines. Ces dernières, implantées dans sept pays européens, voient leurs activités directement menacées.
Les banques marocaines, au plus près de la diaspora marocaine en Europe, jouent un rôle crucial dans le transfert d’argent vers le Maroc. Elles offrent aux Marocains résidant à l’étranger (MRE) des services bancaires essentiels, notamment le transfert de fonds, véritable bouffée d’oxygène pour l’économie marocaine. Si cette directive venait à s’appliquer sans assouplissement, ces flux financiers vitaux risquent d’être lourdement impactés, privant le Maroc d’une manne précieuse qui comble en partie son déficit commercial.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2020 et 2023, les transferts de fonds des MRE ont augmenté en moyenne de 19,2 % par an, atteignant en 2023 le montant record de 115,3 milliards de dirhams. La France, l’Espagne, l’Arabie Saoudite et l’Italie figurent parmi les principaux pays émetteurs. Et cette tendance ne faiblit pas, avec plus de 68 milliards de dirhams transférés durant les sept premiers mois de 2024.
Conscientes du danger, les autorités marocaines ont pris les devants en engageant des discussions avec la commission européenne, ses États membres – dont la France, l’Espagne et l’Italie – ainsi que les banques centrales européennes. L’objectif : clarifier l’application de cette directive et tenter d’en atténuer l’impact. Le défi est de taille, car cette législation sera transposée différemment dans chaque pays, ce qui pourrait engendrer des complications supplémentaires.
Comme un nuage sombre à l’horizon, la montée de l’extrême droite en Europe pourrait aggraver la situation. Abdellatif Jouahri, le wali de Bank Al-Maghrib, ne cache pas son inquiétude : des restrictions sont déjà en place dans certains pays européens, et l’avenir reste incertain. Les prochaines négociations seront cruciales pour préserver ces flux de transferts qui, sans eux, pourraient sérieusement ébranler l’économie marocaine.