Les régions marocaines amorcent une nouvelle phase de mise en œuvre de la régionalisation avancée, avec une volonté affirmée de relancer des projets structurants et de renforcer leur autonomie institutionnelle. À l’issue d’une réunion tenue à Rabat sous la présidence du ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, les présidents des conseils régionaux ont réitéré leur engagement à faire de ce chantier une réussite tangible, en lien direct avec les recommandations issues des Assises nationales de la régionalisation avancée organisées à Tanger.
La rencontre, marquée par la présence des walis, des représentants du ministère de l’Intérieur et des élus régionaux, a permis de dresser un état des lieux actualisé de la réforme. L’ensemble des participants s’accorde sur l’impératif de traduire rapidement les textes signés en actions concrètes. À ce titre, les responsables régionaux ont souligné l’urgence de réactiver les conventions adoptées lors des précédents forums, d’opérationnaliser les compétences exclusives des régions, et d’accélérer la mise en œuvre de la Charte de déconcentration administrative.
Mbarka Bouaïda, présidente du Conseil régional de Guelmim-Oued Noun et de l’Association des Régions du Maroc, a rappelé que dix ans après le démarrage effectif de la régionalisation, il devient nécessaire d’adapter le cadre juridique à la réalité quotidienne des territoires. Elle insiste sur l’importance d’une révision des textes réglementaires pour lever les freins persistants à l’exercice plein des compétences régionales.
Le président du Conseil de la région Laâyoune-Sakia El Hamra, Sidi Hamdi Ould Errachid, a pour sa part insisté sur le rôle déterminant de l’évaluation continue des résultats, afin d’ajuster les dispositifs existants. Il appelle à une lecture dynamique de la réforme, en phase avec la vision royale, et soutient que des ajustements législatifs peuvent être envisagés pour rendre les dispositifs plus souples et efficaces.
Adil Barakat, président du Conseil de la région Béni Mellal-Khénifra, a quant à lui mis en lumière le soutien technique et politique apporté par le ministère de l’Intérieur, tout en annonçant que de nouveaux projets d’envergure verront le jour dans les différentes régions, alignés sur les priorités de développement territorial et national.
Au-delà des déclarations, les enjeux restent nombreux. La réussite de cette phase passe notamment par une coordination renforcée entre les différents niveaux de l’État et une meilleure répartition des ressources. Les régions demandent plus de clarté dans la définition des responsabilités et une autonomie budgétaire renforcée pour financer leurs propres initiatives. À cela s’ajoute la nécessité d’un accompagnement renforcé des acteurs locaux, notamment à travers des dispositifs de formation et de sensibilisation à la gestion territoriale.
Dans cette dynamique, la Charte de décentralisation joue un rôle structurant. Elle précise les responsabilités des collectivités et pose le principe de subsidiarité comme fondement de la gouvernance régionale. Mais pour en garantir l’efficacité, il faut aller au-delà des textes et instaurer des mécanismes d’évaluation systématique des actions menées par les conseils régionaux. La mise en place de comités d’audit ou de cellules de suivi pourrait renforcer la transparence et permettre une remontée d’information fiable sur les obstacles rencontrés sur le terrain.
Par ailleurs, les présidents de région rappellent que la régionalisation avancée ne se limite pas à une simple déconcentration administrative. Elle constitue un véritable levier de transformation socio-économique. Les projets lancés dans les différentes régions – infrastructures, santé, éducation, développement rural – doivent être adaptés aux réalités locales et bâtis sur une logique de participation citoyenne. Cette approche inclusive est jugée cruciale pour instaurer une relation de confiance entre élus et populations, et assurer la réussite des projets.
Les discussions autour de l’actualisation du cadre juridique ont aussi mis en évidence le besoin d’une vision unifiée mais flexible. Chaque région présente des spécificités socio-économiques qui imposent une gouvernance différenciée. Une réforme trop centralisée serait contre-productive. Il devient donc impératif d’ouvrir la voie à une régionalisation différenciée, qui respecte l’unité de l’État tout en s’adaptant aux besoins propres de chaque territoire.
La perspective d’avenir repose sur trois axes : la consolidation des acquis institutionnels, l’accélération de la mise en œuvre des projets inscrits dans les plans de développement régionaux, et l’ancrage d’une culture d’évaluation et de redevabilité. Le Maroc, à travers ce processus, ambitionne d’installer un nouveau modèle de gouvernance basé sur la proximité, l’efficacité et l’innovation territoriale. La tenue régulière de forums, de rencontres interrégionales et d’ateliers participatifs s’inscrit dans cette logique de co-construction.
Les prochaines étapes devront s’accompagner d’une mobilisation accrue des ressources humaines, techniques et financières, sans quoi les ambitions resteront à l’état de promesses. La régionalisation avancée n’est pas une finalité en soi mais un moyen de renforcer la justice spatiale et l’équité territoriale. Dans ce sens, la réussite de la réforme dépendra de la capacité des institutions à dépasser les inerties administratives, à faire preuve de pédagogie, et à ancrer durablement la culture de la gouvernance partagée.