« J’avais trop envie de skier en Afrique », jubile une touriste éthiopienne casquée sur la seule piste du sud du continent, une bande d’un kilomètre de poudre artificielle qui se découpe sur fond de montagnes pelées et brûnatres à plus de 3.000 mètres au Lesotho.
Mais ce petit paradis pour ceux qui veulent se mettre à la godille, au surf, ou tout simplement voir et toucher de la neige, est menacée par des coûts prohibitifs, notamment pour produire cet or blanc en période de sécheresse.
Sharon Kadangwe, directrice artistique de 29 ans venue du Malawi en compagnie de sa mère, a le buste penché et les jambes fléchies, hyper concentrée à sa sortie du tire-fesses.
« C’est exaltant et un peu stressant, comme la première fois que j’ai fait du vélo ou nagé. Les premières leçons sont terribles, après on trouve un rythme et ça devient rigolo », confie-t-elle en combinaison rose à l’AFP.
Ce plaisir rare attire pendant l’hiver austral, de juin à août, des visiteurs de tout le continent mais principalement d’Afrique du Sud voisine.
Le domaine Afriski a repris ses activités cette année, après avoir été contraint de fermer l’an dernier, en raison de coupures d’électricité et autres problèmes logistiques.
Le site, ouvert en 2002 dans les montagnes Maluti (nord-est), peut en l’absence de chutes de neige, à l’exception de quelques semaines par an, fonctionner grâce aux canons et températures négatives.
« C’est ici que j’ai appris à skier. J’adorerais essayer ailleurs un jour à l’étranger mais j’ai grandi dans cette région », confie Bianca Rentzke, entrepreneure sud-africaine de 29 ans, qui fréquente la « station » depuis ses 11 ans.
Les moniteurs viennent de France, des Etats-Unis, mais Afriski cible des clients locaux.
« Pour eux, c’est moins cher que d’aller en Europe », explique la gérante Puseletso Mahlakajoe, à la tête de quelque 200 employés.
Petite colline « magique »
« Cet endroit est magique, même si nous n’avons ici qu’une petite colline », s’enthousiasme Shayne Murray, directeur de l’école de ski sur fond de musique pop diffusée à plein régime.
Autour de lui, les visiteurs d’un jour, en T-shirts ou doudounes, sirotent en terrasse une bière ou prennent des selfies sous un soleil capricieux.
Le passe à la journée coûte l’équivalent de 60 euros, une somme pour la région.
L’eau pour alimenter les canons provient de huit retenues voisines.
Mais personne ne semble particulièrement préoccupé par la facture environnementale d’une telle opération, alors que la région subit depuis plusieurs mois une sécheresse sévère liée au phénomène El Nino.
Mais les coûts de fonctionnement sont lourds, souligne la gérante, d’autant que l’opération ne peut s’appuyer sur aucun financement extérieur.
« Nous devons nous assurer que notre entreprise fonctionne de manière autonome, et c’est parfois là que le bât blesse », dit Mme Mahlakajoe. « L’électricité est très chère. Certains mois, nous ne sommes pas en mesure de payer notre facture, parce que nous n’avons pas gagné assez d’argent ».
Afriski a pu se remettre sur pied après la pandémie de Covid mais la seule autre station de ski de la région, Tiffindel en Afrique du Sud, a été contrainte de fermer ses portes cette année.
Hors saison, Afriski accueille des conférences et des stages de formation d’équipes pour joindre les deux bouts, explique son directeur général, Theo Ferreira.
L’entreprise est actuellement stable. Mais « il serait sans doute bon de trouver quelques sponsors », glisse-t-il à l’AFP.