Le Maroc franchit un cap historique dans le domaine de la médecine de précision. La première phase du Projet de Génome Marocain (PGM) vient d’être rendue publique, dévoilant une cartographie inédite de l’ADN marocain. Grâce au séquençage complet du génome de 109 individus, représentatifs de la mosaïque régionale du Royaume, les scientifiques ont identifié plus de 27 millions de variantes génétiques, dont 1,4 million sont totalement inédites à l’échelle mondiale. Ce jalon propulse le Maroc dans le cercle restreint des nations disposant d’un génome de référence propre, taillé sur mesure pour sa population.
Piloté par une équipe marocaine relevant de la Fondation Mohammed VI des sciences de la santé, à travers le Centre Mohammed VI de la recherche et de l’innovation, ce projet a exigé un travail colossal de collecte, d’analyse et de traitement des données. Les résultats ont été publiés dans Communications Biology, une revue scientifique de renommée mondiale affiliée au groupe Nature, saluant ainsi la rigueur et la portée de cette étude marocaine.
Le MMARG, acronyme désignant le génome de référence marocain, constitue désormais un socle précieux pour adapter les protocoles médicaux aux spécificités biologiques du pays. Contrairement au génome international de référence (GRCh38), qui reflète insuffisamment la diversité génétique du Royaume, cette carte ADN locale permet une lecture plus fine des prédispositions aux maladies, rendant possible une médecine individualisée, mieux ciblée, plus efficiente et respectueuse des réalités biologiques locales.
Parmi les principales découvertes, les chercheurs ont mis en évidence plus de 15 000 mutations fréquentes propres à la population marocaine. Cette avancée marque un tournant, non seulement pour la recherche, mais aussi pour la pratique clinique. Elle ouvre la voie à une transformation des stratégies de dépistage, de prévention et de traitement, tout en renforçant la souveraineté sanitaire du Maroc. Disposer de ses propres données génétiques permet de s’affranchir d’un modèle universel souvent inadéquat, en privilégiant une approche fondée sur la réalité biologique locale.
Ce projet, mobilisant généticiens, bioinformaticiens, cliniciens et spécialistes de la protection des données, constitue un point de départ. Les équipes impliquées entendent élargir la base des participants, afin d’affiner encore davantage ce référentiel génétique. Ce travail de fond contribuera à bâtir une médecine préventive robuste, à repenser l’approche thérapeutique dans les maladies chroniques et à faciliter l’émergence de traitements sur mesure, adaptés aux profils génétiques identifiés.
L’enjeu dépasse le strict cadre scientifique. En révélant les particularités génétiques d’une population longtemps sous-représentée dans les bases de données internationales, le Maroc affirme sa place dans la recherche biomédicale mondiale. Cette cartographie ADN s’impose non seulement comme un outil de diagnostic de pointe, mais aussi comme une déclaration d’indépendance scientifique, dans un monde où la maîtrise des données de santé devient une question de souveraineté.
Avec cette première phase du Projet de Génome Marocain, le Royaume ancre sa stratégie sanitaire dans la modernité, en s’appuyant sur des données fiables, produites localement, et internationalement reconnues. Ce tournant ouvre de nouvelles perspectives en matière de santé publique, de formation, de recherche appliquée, et de développement biotechnologique.