Dans un contexte économique incertain, Prada a finalisé ce jeudi un accord de 1,38 milliard de dollars pour acquérir son concurrent Versace, propriété du groupe américain Capri Holdings. Ce rapprochement entre deux emblèmes de la mode italienne redessine le paysage du luxe mondial et renforce la position de l’Italie face aux géants français comme LVMH.
Cette opération inclut la reprise de la dette de Versace et intervient alors que la marque connaît des pertes financières depuis plusieurs trimestres. De son côté, Prada affiche une dynamique solide malgré un ralentissement général dans le secteur du luxe. Le rachat représente ainsi un pari audacieux mais réfléchi, visant principalement à stimuler la croissance à long terme plutôt qu’à générer des économies immédiates.
Le moment de cette acquisition n’est pas anodin. Il fait suite au départ annoncé, le 13 mars dernier, de Donatella Versace de son poste de directrice artistique — rôle qu’elle occupait depuis la disparition tragique de son frère Gianni en 1997. Donatella s’est dite confiante et honorée de voir l’héritage familial poursuivi par une autre famille italienne, saluant l’élégance et la vision de Miuccia Prada et Patrizio Bertelli, actionnaires principaux de Prada.
Le montant déboursé par Prada représente une décote significative par rapport aux 2,15 milliards de dollars payés en 2018 par Michael Kors (aujourd’hui Capri Holdings), lors de l’acquisition de Versace auprès de la famille fondatrice et du fonds Blackstone. Une baisse de valorisation qui s’explique notamment par les récentes turbulences sur les marchés et les tensions liées aux nouvelles politiques tarifaires américaines.
Pour Capri, la vente de Versace permet de se recentrer sur ses marques phares, notamment Michael Kors et Jimmy Choo. L’objectif affiché est de redresser les performances et d’assainir le bilan du groupe. Les actions de Capri ont d’ailleurs chuté de 9 % à l’annonce de la vente, cumulant près de 30 % de baisse depuis le début de l’année.
Du côté de Prada, l’intégration de Versace constitue une avancée stratégique majeure. Connue pour son style épuré, la maison milanaise enrichira son portefeuille avec l’esthétique flamboyante et baroque de Versace. Pour Lorenzo Bertelli, directeur marketing de Prada et héritier désigné de l’empire familial, les deux marques se complètent parfaitement sans se faire concurrence, tant en matière de clientèle que de créativité.
Ce rachat marque un tournant dans la stratégie de Prada, historiquement prudente en matière d’acquisitions depuis les erreurs du passé avec Helmut Lang et Jil Sander à la fin des années 1990. L’arrivée d’Andrea Guerra à la tête du groupe et l’implication croissante de Lorenzo Bertelli traduisent une volonté de renouvellement et d’expansion.
La finalisation de la transaction est attendue pour le second semestre de l’année. Prada financera l’opération par un nouvel endettement de 1,5 milliard d’euros, confirmant son engagement à long terme. Malgré les risques géopolitiques et les incertitudes économiques, ce mariage entre deux icônes du design italien pourrait bien insuffler une nouvelle énergie au secteur du luxe européen.