Le destin de SFR en France semble scellé. Le groupe Altice, propriété de Patrick Drahi, cherche activement à céder l’opérateur, devenu un poids lourd en perte de vitesse. La vente, qui n’est pas encore officialisée, serait pourtant bien engagée selon plusieurs sources concordantes. En coulisses, les manœuvres se multiplient pour préparer la disparition progressive de SFR du paysage télécom français, un bouleversement qui pourrait redessiner durablement le marché.
En perte d’abonnés – près de deux millions depuis 2023 – et plombé par une dette colossale estimée à 24 milliards d’euros pour sa seule activité française, SFR apparaît comme l’une des branches les plus fragiles de l’empire Altice. Le groupe, confronté à la remontée des taux d’intérêt et dans l’incapacité d’emprunter davantage, accélère la cession de ses actifs pour éponger une dette globale de 60 milliards d’euros. La vente de SFR semble ainsi devenir la seule issue possible.
Mais cette revente n’est pas sans conséquences. En premier lieu, pour les millions de clients encore abonnés. Avec 4 millions de clients mobiles recensés fin 2023, la fin de SFR en tant qu’entité autonome soulève une question centrale : chez quel opérateur vont-ils être redirigés ? Trois pistes se dégagent. D’une part, un démantèlement de l’opérateur avec une redistribution de ses actifs – box internet, réseau fibre, infrastructures mobiles – entre Orange, Free et Bouygues Telecom. Une stratégie déjà testée en Europe lors de précédentes consolidations.
D’autre part, une cession globale à un acteur étranger, scénario moins complexe juridiquement mais aux conséquences plus incertaines. Des groupes comme STC (Saudi Telecom Company) ou encore e& (anciennement Etisalat) suivraient activement le dossier. Ces opérateurs moyen-orientaux, déjà en phase d’expansion sur le Vieux Continent, pourraient profiter de cette fenêtre pour s’ancrer durablement sur le marché français.
Le scénario d’un rachat intégral par un seul des opérateurs déjà présents semble en revanche improbable. Toute tentative de fusion entre SFR et un autre géant comme Orange, Free ou Bouygues provoquerait un déséquilibre de marché et serait quasi systématiquement rejetée par les autorités de la concurrence. Ce cas de figure avait déjà été observé en 2016, lorsque la tentative d’absorption de Bouygues par Orange avait échoué pour les mêmes raisons.
Ainsi, l’hypothèse la plus plausible aujourd’hui demeure celle d’un rachat par morceaux. Bouygues Telecom apparaît comme le mieux placé pour hériter d’une part importante des infrastructures SFR. Depuis 2014, les deux opérateurs partagent une mutualisation de leurs réseaux mobiles, un atout stratégique non négligeable dans le cadre d’un démantèlement partiel. Toutefois, Bouygues n’avancerait probablement pas seul. Des alliances de circonstance avec Free ou Orange sont évoquées pour partager équitablement les actifs.
Pour les clients, le changement d’opérateur pourrait devenir une étape incontournable. Même si les offres en cours seraient sans doute honorées pendant une phase transitoire, la bascule vers un autre réseau implique potentiellement une modification de services, de tarifs, voire de conditions contractuelles. Le risque d’une hausse des prix est bien réel, notamment si le marché se resserre autour de trois opérateurs majeurs, mettant fin à la concurrence à quatre instaurée en 2012 avec l’entrée fracassante de Free.
Enfin, cette restructuration d’envergure annonce un tournant pour le secteur français des télécoms. Le départ de SFR signerait la fin d’un chapitre ouvert en 1987, année de création de la marque. De simple challenger à acteur historique devenu moribond, SFR aura marqué de son empreinte l’histoire des communications en France. Son effacement programmé pourrait offrir à ses concurrents un levier de croissance inédit, mais au détriment d’une diversité de choix pour les consommateurs.
Tant qu’Altice et SFR maintiennent leur mutisme, l’incertitude continue de planer. Une déclaration officielle est attendue dans les prochaines semaines pour clarifier la situation. En coulisses, les prétendants au rachat affinent leurs propositions, pendant que les abonnés se préparent à un changement imminent.