La parentalité, souvent perçue comme une source de stress et de fatigue, pourrait en réalité avoir des effets protecteurs sur le cerveau. Une étude récente publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences révèle que le fait d’être parent, et plus particulièrement d’avoir plusieurs enfants, serait associé à une meilleure connectivité cérébrale, ralentissant ainsi le vieillissement neuronal.
Des réseaux cérébraux renforcés par la parentalité
Des chercheurs de l’Université Rutgers, en collaboration avec Yale et d’autres institutions, ont analysé les données de près de 38 000 adultes issus de la UK Biobank, une base de données de santé de grande envergure. L’équipe a découvert que les parents ayant plusieurs enfants présentent une connectivité cérébrale plus élevée, notamment dans les réseaux sensoriels et moteurs, des zones du cerveau qui tendent normalement à perdre en fonctionnalité avec l’âge.
Un effet cumulatif lié au nombre d’enfants
Plus les participants étaient parents de plusieurs enfants, plus les différences étaient marquées. Cela suggère que l’acte de prendre soin des enfants, plutôt que la parentalité en soi, joue un rôle crucial dans le maintien des connexions neuronales. « Les régions du cerveau qui diminuent en connectivité avec l’âge sont celles qui présentent une augmentation chez les parents », explique Avram Holmes, professeur associé de psychiatrie à la Rutgers Robert Wood Johnson Medical School.
La parentalité, une expérience sensorielle et cognitive intense
Les scientifiques avancent plusieurs hypothèses pour expliquer ces résultats. Le fait de s’occuper d’un enfant mobilise de nombreuses compétences sensorielles et motrices : tenir, nourrir, apaiser et répondre aux signaux non verbaux. Cette stimulation constante pourrait renforcer les réseaux neuronaux et préserver la plasticité cérébrale, retardant ainsi les effets du vieillissement.
Par ailleurs, les parents rapportent souvent des modifications durables de leur perception sensorielle. Une étude australienne a par exemple révélé que 40 % des mères ressentent encore des « coups fantômes » des années après l’accouchement, ce qui illustre l’impact à long terme de la parentalité sur le cerveau.
Un rôle clé dans le bien-être social et physique
L’étude met aussi en lumière un lien entre le nombre d’enfants et le niveau d’interactions sociales. Les parents de familles nombreuses rapportent davantage de connexions sociales, plus de visites familiales et une plus grande capacité à se confier.
Chez les hommes, la parentalité semble même avoir des effets physiques notables : l’étude a relevé une corrélation entre le nombre d’enfants et la force de poigne, un indicateur clé de la santé cognitive et de l’autonomie à un âge avancé.
Les limites de l’étude : parentalité et diversité culturelle
Malgré des résultats convaincants, l’étude présente certaines limites. Elle s’appuie sur une population majoritairement britannique, ce qui pose la question de la généralisation des conclusions à d’autres cultures et structures familiales. De plus, elle considère le nombre d’enfants biologiques mais ne prend pas en compte le niveau d’implication parentale ni la qualité des relations parent-enfant.
Enfin, la recherche repose sur des données transversales, c’est-à-dire une analyse à un instant donné, sans suivi de l’évolution des participants sur le long terme.
La parentalité, un modèle pour le bien-être cérébral ?
Loin de signifier que ceux qui n’ont pas d’enfants sont défavorisés, cette étude souligne l’importance de l’engagement social et du soin aux autres dans le maintien de la santé cognitive. Adopter des rôles de soignant, que ce soit en tant que grands-parents, oncles, tantes ou mêmes proches aidants, pourrait offrir des bénéfices similaires.
« Si nous identifions une relation entre interactions sociales renforcées et bien-être cérébral, alors nous pouvons encourager ces dynamiques, même chez les individus ne disposant pas d’un réseau social stable », conclut Holmes.
Ainsi, au-delà des nuits blanches et des responsabilités accrues, la parentalité pourrait bien être un investissement durable dans la santé du cerveau.