L’ancien président des Philippines, Rodrigo Duterte, a été arrêté mardi à l’aéroport international de Manille à son retour de Hong Kong. L’intervention fait suite à un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), qui l’accuse de crime contre l’humanité pour sa politique de répression sanglante contre le narcotrafic durant son mandat (2016-2022).
Une guerre antidrogue controversée
Sous la présidence de Rodrigo Duterte, des milliers de personnes, majoritairement issues des classes populaires, ont été tuées dans le cadre d’opérations policières et d’actions de groupes paramilitaires. Les chiffres officiels font état de plus de 6 000 morts, tandis que les organisations de défense des droits humains estiment le bilan réel entre 12 000 et 30 000 victimes.
Malgré le retrait des Philippines de la CPI en 2019 sous l’ordre de Duterte, la juridiction internationale a maintenu son enquête sur les crimes présumés commis avant cette date, ainsi que sur les exécutions extrajudiciaires survenues à Davao lorsqu’il en était le maire.
Une arrestation sous tension
Selon un communiqué officiel, Interpol Manille a reçu mardi matin une copie du mandat d’arrêt émis par la CPI et l’ancien chef d’État a immédiatement été placé en détention. Une photo publiée par son parti politique suggère qu’il est retenu à la base aérienne de Villamor, proche de l’aéroport.
Dans une vidéo diffusée sur le compte Instagram de sa fille Veronica Duterte, l’ex-président remet en question la légalité de son arrestation : « Quelle est la loi sur laquelle repose mon arrestation ? Prouvez-moi la base juridique de ma détention. »
Dimanche, à Hong Kong, lors d’un discours devant des travailleurs philippins, Rodrigo Duterte avait publiquement insulté les enquêteurs de la CPI tout en affirmant qu’il accepterait son arrestation si elle devait avoir lieu.
Des réactions partagées
L’arrestation de Rodrigo Duterte divise l’opinion publique aux Philippines. Ses partisans continuent de le soutenir, voyant en lui un leader ayant réduit la criminalité dans le pays. L’ancien conseiller juridique de la présidence, Salvador Panelo, dénonce une arrestation « illégale », soulignant que la police nationale philippine aurait empêché ses avocats d’accéder à lui.
De l’autre côté, les organisations de défense des droits humains saluent cette décision. Human Rights Watch appelle les autorités philippines à transférer rapidement Duterte à La Haye. L’association Rise Up for Life and for Rights, qui représente les familles des victimes de la répression antidrogue, qualifie cet événement de « tournant positif ».
Un avenir politique incertain
Malgré son arrestation, Rodrigo Duterte conserve une influence politique majeure aux Philippines. Il prévoyait de se présenter aux élections municipales de mai prochain pour retrouver son poste de maire. Son arrestation pourrait cependant redistribuer les cartes du paysage politique national.
Sa fille, Sara Duterte, actuelle vice-présidente, était autrefois pressentie pour lui succéder à la présidence. Cependant, son alliance avec Ferdinand Marcos Jr., l’actuel président, s’est détériorée avec l’approche des élections de mi-mandat.
L’affaire Duterte pose un précédent important en matière de justice internationale et pourrait avoir des répercussions sur d’autres dirigeants accusés de crimes similaires.