Le président algérien sortant, Abdelmadjid Tebboune, a été réélu avec un résultat écrasant, marquant une nouvelle étape dans sa carrière politique. L’Autorité nationale indépendante des élections (Anie) a déclaré que Tebboune avait recueilli 94,65 % des suffrages lors de l’élection présidentielle, qui s’est tenue samedi. Ce résultat, qui devrait être validé par le Conseil constitutionnel, a été annoncé dimanche par Mohamed Charfi, président de l’Anie.
Avec 5,32 millions de voix sur les 24,5 millions d’électeurs inscrits, la victoire de Tebboune n’a pas été une surprise. Cependant, le taux de participation, fixé à 48,03 %, a suscité des interrogations. Ce chiffre a alimenté des critiques sur la légitimité du scrutin, notamment en raison d’une abstention toujours élevée, un phénomène déjà observé lors des élections de 2019. À l’époque, Tebboune avait remporté 58 % des voix, mais avec une participation de seulement 39,83 %, dans un contexte marqué par le mouvement populaire du Hirak, qui avait poussé Abdelaziz Bouteflika à démissionner.
Les autres candidats, notamment Abdelaali Hassani du Mouvement de la société pour la paix (MSP) et Youcef Aouchiche du Front des forces socialistes (FFS), ont obtenu respectivement 3,17 % et 2,16 % des voix. Les résultats ont été vivement critiqués par l’opposition. Ahmed Sadouk, directeur de campagne de Hassani, a dénoncé une « mascarade » électorale, mettant en doute la transparence du processus, particulièrement sur les chiffres de participation. Le MSP a également exprimé son scepticisme en qualifiant de « bizarre » la notion de « taux moyen de participation », introduite par l’Anie, et a réclamé plus de clarté dans les calculs.
Malgré ces contestations, Abdelmadjid Tebboune bénéficie d’un soutien institutionnel important, notamment de la part du Front de libération nationale (FLN), ancien parti unique du pays. Sa victoire est considérée par certains observateurs comme prévisible, compte tenu de la faible opposition et des ressources déployées par son équipe de campagne.
Le contexte économique a également joué un rôle crucial dans cette élection. L’Algérie, premier exportateur africain de gaz naturel, a vu son économie croître à un rythme de 4 % ces deux dernières années. Tebboune a promis de poursuivre les réformes économiques visant à diversifier l’économie, encore largement dépendante des hydrocarbures, qui représentent 95 % des revenus en devises du pays. Parmi ses engagements, figurent la revalorisation des retraites, la création de 450 000 emplois et l’accès à de nouveaux logements pour la population. Il a également affirmé vouloir faire de l’Algérie la deuxième puissance économique d’Afrique.
Cependant, malgré ce score impressionnant, Abdelmadjid Tebboune n’a convaincu qu’un peu plus de 5 millions d’électeurs, soit moins d’un quart des inscrits. Selon l’analyste Hasni Abidi, directeur du Centre d’études Cermam à Genève, ce résultat, bien que solide sur le papier, constitue en réalité une alerte pour Tebboune, qui peine à mobiliser l’électorat, en particulier les jeunes. Ces derniers, qui représentent plus de la moitié de la population algérienne, ont largement boudé les urnes. Ce manque d’engagement de la jeunesse pourrait poser des problèmes pour son nouveau mandat si aucune réforme significative n’est mise en œuvre dans sa méthode de gouvernance.
Les promesses de réformes politiques et de respect des libertés, portées par ses rivaux, sont restées au cœur des débats durant la campagne électorale. Cependant, des groupes comme le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) et l’ONG Amnesty International ont exprimé leurs préoccupations concernant la répression persistante des voix dissidentes. Avant le scrutin, Amnesty International avait dénoncé un climat politique marqué par une « tolérance zéro » à l’égard des opposants et des défenseurs des droits humains, ainsi que des arrestations arbitraires.
Ainsi, bien que Tebboune ait consolidé son pouvoir avec une victoire nette, il reste confronté à des défis considérables, notamment la réconciliation avec une partie de la population qui se sent exclue du processus démocratique, ainsi que la gestion des attentes économiques et sociales croissantes.