Depuis plusieurs années, le cap des 10 000 pas quotidiens s’est imposé comme une norme en matière de santé et de bien-être. Incités par les podomètres et les applications de suivi d’activité, de nombreux individus cherchent à atteindre ce chiffre quotidiennement. Mais cette recommandation repose-t-elle sur une véritable base scientifique ? En réalité, l’origine de cette directive est avant tout marketing.
Un chiffre popularisé par le marketing japonais
L’histoire des 10 000 pas remonte aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964, lorsque la société japonaise Yamasa Corporation a commercialisé un podomètre nommé « Manpo-kei », ce qui signifie « mesure de 10 000 pas ». Ce chiffre n’était pas le fruit d’une étude scientifique rigoureuse mais plutôt une stratégie de communication. Depuis, cette idée a été reprise et relayée massivement par l’industrie du sport et de la santé connectée.
Contrairement à une croyance répandue, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne préconise pas ce seuil précis. Ses recommandations officielles pour les adultes de 18 à 64 ans sont bien différentes :
- 150 à 300 minutes d’activité physique modérée par semaine ;
- ou 75 à 150 minutes d’activité physique intense ;
- ou une combinaison des deux.
Que disent les études scientifiques ?
Plusieurs recherches récentes ont tenté d’évaluer le nombre optimal de pas quotidiens nécessaire pour améliorer la santé. Les résultats montrent qu’il n’est pas indispensable d’atteindre 10 000 pas pour observer des bénéfices significatifs.
Une étude menée en 2019 aux États-Unis sur des femmes de 72 ans en moyenne a démontré qu’un passage de 2 700 à 4 400 pas par jour réduisait la mortalité de 41 %. Toutefois, les gains en longévité plafonnaient au-delà de 7 500 pas quotidiens.
D’autres recherches, comme une étude de 2021 réalisée sur des adultes de 45 ans, corroborent ces résultats :
- Marcher 7 000 pas par jour est associé à une réduction significative du risque de mortalité.
- Dépasser les 10 000 pas n’apporte pas de bienfaits supplémentaires.
Ces conclusions remettent en question la pertinence du chiffre de 10 000 et plaident pour un objectif plus adapté à chaque individu.
L’importance de l’activité physique au quotidien
Si le seuil des 10 000 pas est arbitraire, l’importance de l’activité physique, elle, est incontestable. La professeure Martine Duclos, cheffe du service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand, rappelle que « ceux qui bénéficient le plus d’une augmentation de leur nombre de pas, ce sont ceux qui partent de rien ».
Parmi les nombreux bienfaits de l’exercice physique :
- Amélioration de la captation du glucose, réduisant ainsi les risques de diabète ;
- Diminution du stockage des lipides, contribuant à la prévention des maladies cardiovasculaires ;
- Renforcement de l’irrigation musculaire et du système cardiovasculaire ;
- Stimulation des connexions neuronales et réduction du risque de déclin cognitif.
Une approche individualisée préférable
Plutôt que de viser un objectif universel de 10 000 pas, les spécialistes préconisent une approche adaptée à chaque individu. L’essentiel est de bouger régulièrement, quelle que soit l’intensité.
Pour les personnes en surpoids ou âgées, il est préférable de fractionner l’effort en sessions courtes mais régulières. Brigitte Tarkowski, présidente du conseil régional Occitanie de l’Ordre des pédicures-podologues, rappelle qu’« une personne pesant 120 kilos qui marche 20 minutes par jour, c’est déjà un excellent début ».
L’usage des applications de suivi peut être motivant, mais il ne doit pas engendrer une obsession contre-productive. Ce qui importe, c’est d’intégrer l’activité physique de manière durable et plaisante, qu’il s’agisse de marche, de vélo ou de natation.
Un objectif moins rigide, mais un mode de vie actif
L’objectif ne doit pas être d’atteindre à tout prix un seuil arbitraire de 10 000 pas, mais plutôt d’augmenter progressivement son niveau d’activité. Chaque pas compte et contribue à une meilleure santé physique et mentale.