Maroc Telecom a récemment mis fin à une longue bataille judiciaire en versant une indemnité historique de 6,3 milliards de dirhams à son concurrent Inwi. Ce dédommagement fait suite à une condamnation pour abus de position dominante, infligée par la cour d’appel de Casablanca. Cette décision marque un tournant majeur dans le secteur des télécommunications au Maroc, où les tensions entre les opérateurs ont atteint leur apogée ces dernières années.
L’affaire débute avec une plainte déposée par Inwi, filiale de Wana Corporate, qui accuse Maroc Telecom d’avoir instauré des pratiques anticoncurrentielles, empêchant ainsi le développement de ses concurrents sur le marché des télécommunications, notamment dans le domaine du fixe. L’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) avait déjà sanctionné Maroc Telecom en 2020, avec une amende de 3,3 milliards de dirhams pour les mêmes raisons. Malgré cette première sanction, Maroc Telecom a persisté dans ses pratiques, s’exposant à une nouvelle procédure judiciaire.
Le 3 juillet 2024, la cour d’appel de commerce de Casablanca a confirmé la condamnation de Maroc Telecom, ordonnant à l’opérateur historique de verser 6,3 milliards de dirhams à Inwi à titre de dommages et intérêts. Loin d’être une simple formalité, ce jugement constitue la plus lourde sanction financière jamais infligée à une entreprise de télécommunications au Maroc. À titre de comparaison, cette somme représente 17% du chiffre d’affaires 2023 de Maroc Telecom et dépasse les 6,1 milliards de dirhams de bénéfices réalisés par l’entreprise durant la même période. Face à cette décision, Maroc Telecom avait initialement envisagé de saisir la Cour de cassation pour contester le verdict, mais l’entreprise a finalement opté pour exécuter la sentence, mettant ainsi fin à un contentieux de plusieurs années.
Ce revirement de situation a surpris de nombreux observateurs du secteur. Maroc Telecom, jusque-là habituée à se défendre vigoureusement contre ses détracteurs, a choisi de régler l’amende, évitant ainsi une procédure de recouvrement forcé qui aurait pu ternir davantage son image. Cette décision marque un tournant dans la stratégie de l’opérateur, qui semble désormais vouloir se concentrer sur ses activités principales sans être continuellement perturbé par des affaires judiciaires.
Le rôle de Abdeslam Ahizoune, président du directoire de Maroc Telecom, est également au centre des discussions. Sous sa direction, l’entreprise a dû faire face à plusieurs amendes pour des pratiques anticoncurrentielles, ce qui a coûté à l’opérateur plus de 12 milliards de dirhams au total. Son mandat prenant fin en mars 2025, de nombreuses interrogations subsistent quant à sa reconduction. Le groupe émirati Etisalat, actionnaire majoritaire de Maroc Telecom, pourrait décider de tourner la page et de nommer une nouvelle direction, d’autant plus que la réputation de l’entreprise a été sérieusement entamée par ces affaires.
Pour Inwi, cette victoire judiciaire est un signal fort. L’entreprise, qui avait même menacé de se retirer du marché marocain si elle n’obtenait pas gain de cause, a réussi à prouver que les acteurs de moindre envergure pouvaient s’opposer aux géants du secteur. Ce jugement pourrait inciter d’autres entreprises à contester des pratiques jugées anticoncurrentielles, ce qui renforcerait la régulation et la transparence sur le marché marocain.
Cette affaire pose des questions cruciales sur le rôle de l’ANRT, l’autorité de régulation du secteur. La régulation actuelle semble insuffisante pour prévenir les abus de position dominante, et l’ANRT pourrait être amenée à revoir ses politiques pour garantir une concurrence plus équitable. Une régulation plus stricte permettrait d’assurer un marché des télécommunications plus ouvert, où les consommateurs bénéficieraient de meilleures offres et d’un service de qualité.