Le modèle traditionnel du bonheur semble aujourd’hui en pleine transformation. Autrefois, la jeunesse était considérée comme la période la plus propice à la joie et à l’insouciance. Des écrivains comme Alfred de Musset, qui écrivait « L’enfant marche joyeux, sans songer au chemin ; il le croit infini, n’en voyant pas la fin », ou encore Socrate, qui affirmait « Rien n’est trop difficile pour la jeunesse », ont solidement ancré cette idée dans la culture populaire. Cependant, cette vision semble de plus en plus obsolète. Selon des chercheurs américains, le paradigme du bonheur semble se redéfinir, et la période de la jeunesse pourrait ne plus être aussi lumineuse qu’autrefois.
Dans une étude commandée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et publiée par le National Bureau of Economic Research des États-Unis, les chercheurs remettent en cause la courbe traditionnelle du bonheur, celle qui était souvent comparée à une forme en U. Cette courbe représentait un pic de bonheur au début de la vingtaine, suivi par un déclin progressif vers la quarantaine, avant une nouvelle ascension après 60 ans. Aujourd’hui, cette courbe est quasiment disparue. Les chercheurs constatent que de jeunes adultes, en particulier les jeunes femmes, éprouvent une baisse significative de leur satisfaction de vie, ce phénomène s’étant intensifié depuis le début de la pandémie de Covid-19.
Le mal-être des jeunes adultes semble lié à plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, l’impact de l’Internet, des smartphones et des réseaux sociaux est particulièrement souligné. En effet, ces technologies, qui devraient théoriquement rapprocher les individus, semblent avoir exacerbé l’isolement. Selon David Blanchflower, l’auteur principal de l’étude, les jeunes « sont devenus isolés » et s’adonnent de moins en moins à des activités sociales. Ils sortent moins, jouent moins avec leurs amis et ont des relations interpersonnelles moins fréquentes. Cette solitude numérique a des conséquences profondes sur leur santé mentale. Le déclin des relations sociales et une diminution des interactions physiques contribuent ainsi à un mal-être grandissant.
Une autre cause majeure de ce désenchantement est l’instabilité du marché de l’emploi, qui touche particulièrement les jeunes générations. Ces derniers peinent à trouver un emploi stable et subissent les conséquences de la crise économique mondiale. À cela s’ajoute une préoccupation croissante pour la crise climatique, qui amplifie le sentiment d’incertitude et de pessimisme pour l’avenir. Ce cocktail d’anxiété sociale, économique et environnementale semble plonger une génération entière dans une spirale négative, bien avant les 40 ans traditionnellement associés à la fameuse « crise de la quarantaine ». En fait, selon les études, ce désespoir et cette mauvaise santé mentale atteignent leur pic dès l’âge de 20 ans.
Pourtant, l’étude révèle également que la satisfaction de vie semble croître à mesure que l’on avance en âge. En effet, après un creux aux alentours de la quarantaine, une nette amélioration de la qualité de vie semble se produire, atteignant son sommet vers les 70 ans. Ainsi, après une période de doutes et de difficultés à l’âge adulte, les années de retraite et de réflexion semblent offrir un mieux-être global, où l’on prend davantage de recul par rapport aux défis de la vie.
L’étude met en lumière une époque où les jeunes, en particulier, semblent pris dans une tempête de mal-être, exacerbée par les défis sociaux et économiques modernes. Toutefois, elle montre également que le bonheur peut encore se cultiver à différents moments de la vie, une lueur d’espoir qui pourrait guider les générations futures vers une meilleure gestion du bonheur personnel et collectif.