La Chambre des représentants a validé à l’unanimité le projet de loi N°5.171.22, qui modifie l’article 19 de la loi N°15.01 encadrant la kafala des enfants abandonnés. Ce nouveau dispositif législatif introduit des ajustements pour assurer un meilleur équilibre entre les droits de la personne prenant en charge l’enfant et ceux de ce dernier, dans une démarche orientée vers une protection judiciaire renforcée. Cette adoption marque une avancée notable dans la sécurisation juridique de cette procédure, longtemps critiquée pour son manque de clarté en cas de litige ou de rupture.
L’amendement prévoit que le tuteur puisse désormais formuler ses observations sur les rapports des autorités compétentes, qui servent de base aux juges pour éventuellement annuler la kafala. Jusque-là, cette étape cruciale échappait à la personne concernée, ce qui soulevait des inquiétudes quant au respect des droits de la défense. En rectifiant cette faille, le texte s’aligne sur les exigences posées par les articles 23 et 120 de la Constitution, qui consacrent le droit à un procès équitable.
Présentée par le groupe socialiste-opposition Ittihadie, cette proposition a également reçu l’aval du gouvernement. Toutefois, l’exécutif a conditionné l’annulation de la kafala à une audition préalable de la personne concernée par le juge des mineurs. Cette disposition garantit que toute décision prise en ce sens soit fondée sur un échange direct, offrant ainsi au tuteur l’opportunité de se défendre.
Lors de la séance parlementaire, Mustapha Baitas, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, a mis en lumière les tensions entre impératifs juridiques et contraintes pratiques. Il a reconnu que cette exigence d’audition pouvait nuire à l’efficacité du processus, notamment lorsque la personne en charge de l’enfant réside à l’étranger ou ne peut être contactée dans les délais. Selon lui, dans certaines situations urgentes, il convient de ne pas imposer de rigueur procédurale excessive, afin de préserver les intérêts de l’enfant, qui demeurent primordiaux dans toute intervention judiciaire.
Cette précision vise à instaurer un équilibre subtil : permettre une défense équitable sans retarder inutilement des décisions urgentes, notamment lorsque la sécurité ou le bien-être de l’enfant est en jeu. Le juge conserve donc la latitude d’annuler la kafala sans audition si les circonstances l’exigent, ce qui évite de transformer la procédure en un obstacle à la protection de l’enfant.
Fatimi Moulay El Mahdi, député du groupe socialiste, a quant à lui rappelé que cette réforme s’inscrit dans un chantier plus large de consolidation du cadre légal dédié à l’enfance au Maroc. Selon lui, la loi N°15.01 reste un pilier de la politique sociale en faveur des enfants sans soutien familial. Le texte récemment voté permet, à ses yeux, d’y insuffler une dimension humaine renouvelée, en mettant l’accent à la fois sur l’éducation, les droits fondamentaux et le développement personnel de l’enfant.
L’enjeu est donc double : d’une part, il s’agit de prévenir les abus et d’instaurer un climat de confiance entre les autorités judiciaires et les tuteurs ; d’autre part, de garantir une réaction rapide et adaptée aux situations pouvant compromettre le bien-être de l’enfant. Cette réforme constitue ainsi une étape supplémentaire vers un dispositif juridique plus souple, plus transparent et plus respectueux des droits de toutes les parties impliquées dans la kafala.